Toucan 5 – Le disparu de Lutry – Un roman de Christian Dick
- On ne refait pas l’histoire. Comme moi, ces familles sont plus proches de la chapelle que du baptême !
Vers 11h, Cordey se dit que toutes ces vieilleries lui donnaient soif et qu’il boirait tout aussi bien l’apéritif avec Parisod qui le renseignerait sur d’anciennes régates. Il prit sa voiture et, parvenu à Moratel, la gara sur la zone des résidents du port. Il y trouva Parisod dans sa cabine, occupé à faire du rangement.
– Salut camarade ! lui lança le vigneron. Décidément, tu cherches à prendre racine. Ça me plaît.
– Un peu seulement, reconnut l’ex-inspecteur.
– Du spécial, ou pour le plaisir de nous rencontrer ?
– Un peu des deux. La Nautique, tu connais ? C’est ce que tu m’as dit mardi.
– Oui, bien sûr. Quelques Bols et des championnats de série en 6.5m. Dis-moi plutôt où tu veux en venir.
– J’aimerais m’y rendre. Mais ça risque d’être difficile. J’y connais personne.
– Pas de soucis ! le rassura Parisod. J’ai une carte de membre d’ici.
– Et ça suffit ?
– Une carte d’un club affilié à Swss-Sailing ouvre les portes de tous les cercles de voile. Ça peut aider. Et pour voir les copains et boire un verre au club, c’est pratique. Tu es toujours sur cette affaire de disparition ?
– Officiellement, pas encore. Mais j’essaie d’y voir un peu plus clair. Après, j’aviserai.
– Bon ! Puisque tu viens à une heure buvable et que je commence à avoir soif, prenons donc un verre.
Parisod sortit une bouteille du frigidaire, prit deux verres d’une étagère, les remplit et en tendit un à Cordey. Tous deux trinquèrent.
– Je lis dans le vin, vois-tu. C’est mon métier. Il m’arrive parfois de lire aussi dans le coeur des hommes.
Cordey le regarda en souriant. Il ne servait à rien de tergiverser. Il le mit donc au courant, mais prudemment et sans entrer dans les détails.
– Tu comptes utiliser le canot à moteur pour te rendre à Versoix, c’est bien ça ?
Cordey ne répondit pas. Le vigneron sourit.
– Il vaut mieux que tu y ailles sans moi. Tu ne crois pas ? Et puis, essaie d’entrer à la Nautique. Le coup d’oeil sur la vingtaine de Toucan amarrés face à la terrasse du restaurant vaut le détour.
– Je m’y vois mal demander la liste des vainqueurs, équipages compris.
– En effet. Mais c’était ton métier d’interroger, non ? fit le vigneron.
– Je te le demande, tu me vois sans aucune connaissance de la voile, sans carte de police, interroger des membres sur une disparition vieille de plus de dix ans sans que ça éveille la moindre attention ?
– Passe me voir au carnotzet ce soir. J’attends des clients vers 18h. Tu n’as qu’à venir un peu avant.
Cordey et Parisod finirent la bouteille, rejoints par quelques habitués qui les y aidèrent sans trop insister.
L’ancien policier se présenta à l’heure dite à la cave et, contrairement à l’idée communément répandue qui veut qu’on n’offre pas de vin à un vigneron, tendit à son hôte une bouteille d’Yvorne millésimée 2009, ce qu’en connaisseur apprécia hautement le vigneron. Ils descendirent à la cave.
– J’aimerais bien qu’on aille ensemble à la Nautique, insista Cordey.
– Ce ne serait pas une bonne idée, répondit le vigneron. J’ai du boulot à la vigne et j’imagine qu’Amanda va t’accompagner. C’est une nouvelle chance qu’elle te donne. Saisis-là !
Cordey se remémora à propos son ordre des priorités et la place d’Amanda. S’il obtenait une adresse, Parisod l’accompagnerait volontiers, histoire d’échanger entre régatiers quelques souvenirs qui ouvriront la conversation et lui rappelleront le bon vieux temps. «Mais pas à l’improviste !» avait insisté le vigneron. Le bon sens terrien s’était exprimé. Ils finirent la bouteille en évoquant des souvenirs d’enquête et de vignes. Car, comme on sait, de l’une comme de l’autre on récolte le fruit. Et les clients finirent par arriver.
A SUIVRE…