Sacre lausannois pour l’éternel modeste Werner Jeker
Le graphiste originaire de Soleure mais implanté dans la capitale olympique depuis plus de cinquante ans est à l’affiche d’une nouvelle exposition au Musée historique de Lausanne. Et les affiches, ça le connaît.

Werner Jeker s’habille avec classe. Pantalon noir, cardigan noir, casquette noire. Et lunettes rondes. On le croirait tout droit sorti de l’ECAL et on croirait juste puisqu’il y a enseigné dans les années 70.
Ça remonte à loin. Mais les souvenirs ont l’air précis dans la tête de l’octogénaire, qui est mis à l’honneur en ce moment au Musée historique de Lausanne. Affiches, livres, illustrations et photos racontent les cinquante ans de carrière du graphiste. Mais si son nom accueille le visiteur en grand à l’entrée, sur les affiches, il faut le chercher longtemps. Corps 9, ou 10, au bas de l’affiche. Il préfère ça. « Ceux qui veulent savoir, ils se rapprochent. Mais ça ne me préoccupe pas. Quand je vois mes affiches dans la rue, je me cache presque. »
Né en 1944 dans le canton de Soleure, c’est sur la scène artistique lausannoise que Jeker s’est fait connaître, en fondant notamment les Ateliers du Nord avec les designers Antoine Cahen et Claude Frossard, en 1982. Depuis ce fief, il se fabrique un nom : ses photos et ses collages deviennent des affiches pour des musées, des spectacles ou que les lausannois côtoieront de manière cyclique. Musée de l’Elysée, Théâtre de Vidy, Cinémathèque ou encore Collection de l’Art brut s’arrachent ses services, qui finissent par dépasser les frontières : des prix lui sont accordés au Japon, en Finlande et en Pologne. Certaines de ses œuvres sont visibles au MoMa, à New-York.
Sa tête est certes à Lausanne, mais son cœur est à Châtillens. C’est là, depuis 1974, dans une maison de campagne, que lui et sa famille s’installent et s’implantent pendant de nombreuses années. Le district Lavaux-Oron lui reste d’ailleurs très cher. « On faisait de grandes balades, nous avions beaucoup de visites de nos familles, pour moi c’était le paradis. Et pour les gamins aussi. Ils pouvaient faire du bruit, on n’avait pas de voisins ! Ça me manque. » Aujourd’hui, habitant du quartier du Vallon à Lausanne, il reconnaît cependant le luxe que la vie citadine lui apporte et il continue à produire dans son atelier.
Un luxe également de pouvoir s’adapter aux changements du métier, avec l’arrivée des nouvelles technologies. « Depuis qu’il y a l’ordinateur, je peux de nouveau faire des livres. Avant, on imprimait chaque élément et on les étalait dans le grenier à Châtillens. Les artistes venaient me rendre visite, et je déplaçais les pages à n’en plus finir, jusqu’à ce qu’on soit satisfait. Maintenant, avec l’ordinateur, mes jambes et mon dos me remercient. »
Le lendemain du vernissage, qui a attiré une foule de collègues, connaissances, et admirateurs, Werner Jeker montre l’exposition à sa femme Barbara. Lentement, ils arpentent les présentoirs, et Jeker lui donne des explications dans leur langue commune, l’allemand. Elle marche lentement, avec l’aide de son mari. « Elle m’a tellement soutenu, je lui dois bien ça », chuchote Jeker. L’exposition « Signé Jeker, Lausanne par Werner J. » sera visible jusqu’au 28 septembre prochain.