Réformer la Constitution pour se donner les moyens de soutenir la presse
La presse écrite joue un rôle indispensable au bon fonctionnement de la démocratie
Olivier Feller, Conseiller national PLR Vaud | Elle contribue à la mise en perspective critique de l’information ainsi qu’au débat d’idées. Elle sert aussi l’intérêt général en reflétant les activités en tout genre du corps social. De fait, la presse accomplit un travail de service public. Or, depuis les années 2000, la presse doit faire face à de profondes mutations. La concentration des médias s’accentue, notamment en Suisse romande. Sur le plan financier, la presse payante est concurrencée par le développement de services d’information gratuits sur internet. En conséquence, elle enregistre une baisse des recettes publicitaires et du nombre d’abonnés. Il est à craindre que cette évolution ne se poursuive. Se fondant sur l’article 92 de la Constitution fédérale, qui concerne les services postaux, l’article 16 de la loi fédérale sur la Poste prévoit une aide indirecte à la presse sous la forme de rabais sur les tarifs postaux. Selon cette disposition légale, la Confédération est chargée d’accorder une subvention annuelle de 30 millions pour la distribution des journaux par la Poste. Cette aide s’avère utile mais demeure modeste dans un contexte où la presse traverse une grave crise de transition. Les associations d’éditeurs proposent que l’aide indirecte actuelle passe de 30 à 120 millions par année. Cette demande est certes légitime mais difficile à mettre en œuvre. Les 90 millions supplémentaires pourraient être financés par le budget de la Confédération. Mais cela risquerait d’être sérieusement contesté au Parlement, une augmentation soudaine de 300% d’une subvention fédérale étant pour le moins insolite. Une autre option consisterait à financer les 90 millions additionnels au travers de la redevance actuelle de radio-télévision. Le problème, c’est que cette redevance s’appuie sur l’article 93 de la Constitution fédérale, qui concerne la radio et la télévision. Sur le plan juridique, il n’est guère possible d’affecter à la presse une partie du produit de la redevance de radio-télévision, sauf à interpréter de façon spécieuse la Constitution fédérale. D’autres milieux aimeraient carrément mettre en place une aide directe à la presse, distribuée aux différents titres sur la base de critères de qualité objectifs et contrôlables. Mais l’aide directe, en l’état, n’est pas autorisée par la Constitution fédérale. En fait, les milieux tant politiques que professionnels se retrouvent aujourd’hui «coincés» par le carcan constitutionnel en vigueur, qui empêche toute solution à la fois novatrice, réaliste et finançable pour soutenir la presse écrite. Dans ces circonstances, avec quelques collègues du Parlement, de gauche comme de droite, je suis arrivé à la conclusion que si l’on voulait moderniser et muscler les modalités de soutien à la presse, il fallait d’abord, et si possible rapidement, réviser la Constitution fédérale. En effet, le texte constitutionnel actuel ne contient aucun article consacré aux médias en général, englobant la presse écrite. Mes collègues et moi avons donc déposé, le 12 décembre dernier, tant au Conseil national qu’au Conseil des Etats, plusieurs initiatives parlementaires demandant l’élaboration d’un article constitutionnel dévolu aux médias, lequel permettrait à la Confédération de renforcer ses moyens d’action en faveur d’une presse indépendante et diversifiée.