Réflexions sur la votation populaire du 28 novembre
Christa Calpini, pharmacienne, ancienne députée au Grand Conseil VD | Trois objets nous étaient soumis le week-end dernier. L’initiative sur les soins infirmiers a été acceptée à 61% des voix. Ce n’est pas une surprise tant le sujet nous concerne tous et que personne ne conteste la dure réalité que vit cette profession. Elle, dont la situation difficile a été exacerbée par la pandémie: sous-effectifs, surmenage, épuisement font que plus de 40% des soignants quittent le métier au bout de quelques années. Quand on s’occupe de vies humaines, les exigences émotionnelles sont à leur paroxysme, tout comme les responsabilités. L’initiative demande de remédier à la pénurie de personnel soignant, non seulement pour prévenir les abandons de carrière mais aussi pour garantir la qualité des soins et la sécurité des patients. Le contre-projet du parlement n’a pas séduit: limité dans le temps, concentré sur des investissements (un milliard) dans la formation, il faisait fi de la principale source du problème, à savoir l’abandon du métier dû aux dures conditions de travail. Sa mise en œuvre immédiate possible n’a pas pesé lourd. Ceci dit, quand et comment les exigences de l’initiative pourront-elles être remplies? Il y a du pain sur la planche. En effet, il appartient aux établissements de soins (hôpitaux, EMS, soins à domicile….) ainsi qu’aux cantons et aux partenaires sociaux, d’allouer les fonds nécessaires pour mieux rétribuer les soins infirmiers afin d’augmenter les effectifs. La Confédération, sans une nouvelle loi, n’a pas ce pouvoir.
Le deuxième objet : initiative sur la justice, a été refusé à 68% des votants. Lancée par un comité citoyen et inspirée par un riche industriel, insatisfait du sort réservé aux procédures dans lesquelles il était impliqué, elle demandait un changement dans l’élection des juges fédéraux. Malgré une campagne des plus visibles et beaucoup d’efforts, le nouveau mode d’élection présenté n’a pas convaincu. Le tirage au sort des candidats par un groupe d’experts désignés par le Conseil fédéral n’a pas passé la rampe. La population continue, dans sa majorité, à faire confiance aux conseillers de l’Assemblée fédérale pour élire ses juges fédéraux. Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faille pas essayer d’améliorer le système, notamment en ce qui concerne les contributions financières que versent les juges à leur parti ou la durée de leur mandat.
Le troisième objet, modification du 19 mars 2021 de la loi Covid-19, a été accepté à 62%. Après une campagne bien déséquilibrée dans laquelle les opposants ont pris beaucoup de place, la majorité silencieuse a obtenu gain de cause. Tant mieux… tant mieux pour le personnel des hôpitaux et plus particulièrement celui des soins intensifs, tant mieux pour les personnes vulnérables, tant mieux pour nos autorités qui gèrent une crise sanitaire inédite… Oui, je fais partie de la génération qui dans les années 50 avait des petits camarades atteints par le virus de la polio et son lot de paralysies. La dernière épidémie importante toucha la Suisse en 1954, soit une année avant l’annonce de la découverte d’un vaccin efficace. Il a fallu attendre fin 1956 pour son introduction (encore près de 1000 cas cette année-là). Puis rapidement, on constate une chute du nombre de cas avec une courbe à plat dès 1961. Oui, la vaccination est un moyen essentiel pour enrayer les épidémies et c’est un privilège que de pouvoir en bénéficier. Il est du devoir de nos Etats de la recommander. Force est de constater que dans toutes les publicités incitant à refuser la modification de la loi Covid-19, on parle de vaccination forcée, de surveillance de masse, de dictature…. Ces termes ne correspondent pas à la réalité que nous vivons en Suisse et ceux qui les utilisent devraient un peu voyager. Oui, la votation de ce jour évite que le certificat sanitaire, instrument qui a permis les réouvertures, ne soit juridiquement aboli. Oui, il en résulte deux catégories de personnes : celles qui le possèdent et celles qui n’en veulent pas mais chaque citoyen a le choix avec les conséquences que cela implique. C’est le virus qui porte atteinte à nos libertés et non le pass sanitaire. Manifestement, la population suisse ne souhaite pas revivre les interdictions de l’an passé avec le non accès aux restaurants ou aux manifestations sportives et culturelles. Elle considère que la contrainte du pass est un moindre mal, que nous n’avons pour l’instant pas de meilleure solution pour gérer cette pandémie tout en vivant à peu près normalement et surtout, tout en préservant au maximum le système des soins et son personnel.