Rebellez-vous
Marie Laguerre avec Laurène Daycard /Editions L’iconoclaste

Monique Misiego | Ce fameux mois de juillet 2018, dans le courant de l’après-midi, Marie Laguerre rentre chez elle. Comme souvent, un homme l’interpelle, parce que le harcèlement de rue fait partie du quotidien de toutes les femmes à Paris. Elle pourrait comme souvent baisser les yeux et continuer son chemin. Mais parce que c’est la fois de trop, Marie Laguerre lui répond « ta gueule ». L’homme revient en arrière, lui lance dans un premier temps un cendrier qu’il saisit sur la terrasse d’un bistrot, puis il la frappe, ou plutôt lui balance un coup de poing. Devant les badauds ébahis. Un client tente d’éloigner cet homme qui prend la fuite. Parce qu’elle décide de porter plainte et qu’elle a besoin des bandes vidéo comme preuves, elle va aussi poster sur internet la vidéo de son agression. Celle-ci sera vue près de 9 millions de fois. Marie Laguerre est devenue un symbole malgré elle. Elle a 22 ans, est étudiante et ressemble à toutes les autres étudiantes. Rien de particulier, rien de provocant, juste une petite tenue d’été parce qu’elle pense à juste titre qu’elle a le droit de s’habiller comme elle veut. Elle s’inscrit comme l’une des figures du mouvement « Metoo ». Parce qu’elle dit stop, parce qu’elle n’en peut plus. Parce que comme toutes les autres femmes, elle aimerait pouvoir se promener de jour comme de nuit sans avoir à essuyer les commentaires graveleux des hommes en chasse, quand ce n’est pas les bruits explicites ou les insultes directes. L’affaire Weinstein a déclenché une prise de conscience et une libération de la parole. Prise de conscience chez les hommes ? pas chez tous en tous les cas. Prise de conscience chez les femmes qui se rendent compte qu’elles ont le droit de dire non à ce qui les dérange. Parce que toute femme qui marche dans la rue n’est pas forcément là parce qu’elle cherche le mâle. Elle incarne à sa façon le nouveau féminisme. Celui qui dérange, mais elles sont nombreuses, de plus en plus, de plus en plus jeunes aussi. Les jeunes femmes d’aujourd’hui prennent conscience de leurs droits très tôt et c’est tant mieux. Leur droit d’être égale à l’homme, leur droit de ne pas être un objet sexuel, le droit de dire non. A ce qu’elles ne veulent plus et le harcèlement de rue en fait partie. Dans ce livre, elle raconte comment la jeune fille qu’elle était est devenue féministe. Animée d’une rage utile, elle invite les femmes à ne plus se laisser faire. Pourquoi est-ce aujourd’hui une nécessité ? Et surtout comment le faire, avec quels outils ? Elle a construit, avec l’aide de Laurène Daycard, ce livre en trois parties : Son récit d’abord, son agression mais aussi ses premiers souvenirs de sexisme. Une invitation à la rébellion sous la forme d’un manifeste .Un manuel pratique pour savoir comment réagir dans des situations concrètes. Elle dit d’ailleurs dans son manifeste que le mouvement « Metoo » a souvent été décrit comme une entrave au désir. Mais c’est la violence non consentie qui est un dévoiement du désir. « Metoo » est une révolution. Celle qui permet de ne plus être perpétuellement dominées. Sous couvert de sexualisation, d’humour ou de paternalisme. Celle qui prépare le terrain de l’égalité pour que nous puissions vivre librement, sans risquer une main aux fesses de la part d’un inconnu dans la rue, un chantage sexuel d’un collègue ou d’un supérieur hiérarchique, sans crainte d’être mise à terre par l’homme que l’on aime. C’est une révolution pour un monde plus juste. Les hommes ont un rôle à jouer. Il est temps qu’ils se remettent en cause. Marie Laguerre a 23 ans. Après un diplôme d’ingénieur, elle poursuit des études d’architecture. Parce qu’elle a répondu à un harceleur dans la rue et qu’elle a rendu public son témoignage, elle est devenue une figure emblématique de l’ère Metoo. Elle a décidé de faire quelque chose de son histoire. De se rendre utile aux autres. Depuis, elle multiplie les interventions et les conférences dans les médias, les écoles. Laurène Daycard est une journaliste indépendante de 30 ans, spécialisée dans la condition des femmes dans le monde. En France, elle couvre depuis plusieurs années ce qui a trait aux féminicides, notamment les défaillances juridiques ayant précédé ces meurtres. Ce travail a été publié sur Mediapart et l’Obs. Elle est diplômée de Sciences-Po Bordeaux et du centre de formation des journalistes. Enfin, les Editions L’iconoclaste, dont le but est de porter les voix féministes d’aujourd’hui, de raconter des vies, des combats, d’éclairer ce monde qui change et d’y prendre part. Un livre à mettre entre les mains de toutes les femmes !