Oron-Palézieux – Evaluations scolaires, une nécessité ?
Une bonne note ? Cela prouve que tu es intelligent, que tu comprends bien et vite et que tu es meilleur que toutes les personnes qui ont un chiffre plus bas que toi ! C’est donc génial ! Non ? Tu en doutes ? Nous aussi ! Alors suis-nous pour approfondir cette question et entrer dans ce débat toujours d’actualité

Les notes: grands débats chez les adultes
Jonas Gianettoni | La question des notes à l’école est largement débattue en Suisse. Certaines personnes, souvent plutôt orientées politiquement à gauche, pensent qu’on pourrait bien s’en passer, car elles ne font que stresser les élèves et creuser les inégalités sociales. D’autres, orientées plutôt à droite, sont contre leur abolition. Pour elles, les notes seraient indispensables pour un bon enseignement et pour motiver les élèves à travailler. Dans les cantons de Vaud et de Genève, dans les années 1990, on a essayé d’abolir les notes à l’école primaire. Mais la population a voulu revenir à un système avec notes. Selon la majorité des gens les notes seraient le moyen le plus efficace d’évaluer les résultats des élèves et une garantie pour le maintien d’une école de qualité et compétitive par
rapport à la formation dans d’autres pays.
Et chez les jeunes?
C’est un débat d’actualité, même parmi nous, les élèves :
certains en souffrent et d’autres en sont fiers. Mais ça reste, avant toute chose, une source de comparaison et de stress pour une majorité d’entre nous. Ce n’est évidemment pas le but principal des notes de générer de la concurrence ou du stress, mais c’est malheureusement ce qui se passe. Voyons ce phénomène de plus près. Nous avons voulu savoir ce qu’en pensent les plus directement intéressés : nos camarades de 11e année. Ils et elles (28 élèves au total) ont gentiment accepté de répondre à quatre questions fermées et à une question ouverte facultative.
Pas motivés sans notes?
Afin de mieux comprendre le lien entre notes et motivation, nous avons posé quelques questions à Caroline Pulfrey,
chargée de recherche à l’Université de Lausanne, et spécialiste de ces questions. Sans notes, est-on forcément démotivé ? Que dit la recherche scientifique à ce sujet ? Elle nous a expliqué qu’il existe différents types de motivation, eux-mêmes liés à des buts différents. Les notes nous font travailler dans ce qu’on appelle un but « de performance ». La motivation à travailler est, dans ce cas, externe, liée à la comparaison avec les autres (on veut être meilleur que les autres) et à la peur de l’échec (que l’on veut bien entendu éviter). Symboliquement, une bonne note est comme une récompense et une mauvaise note comme une punition.
Cependant, lorsque l’on travaille par intérêt, ou parce qu’on trouve un sujet important, la motivation est interne. On est, dans ce cas, dans ce que les scientifiques appellent un but « de maîtrise », qui est directement lié à l’envie d’apprendre et de s’améliorer. On remarque que, quand on est dans un but de performance, beaucoup d’énergie est gaspillée pour se comparer aux autres plutôt que pour bien réaliser la tâche. Il ne s’agit donc pas d’une bonne motivation pour les apprentissages. Cette motivation crée aussi beaucoup de stress et d’anxiété, surtout chez les élèves plus fragiles, ou qui ont une estime d’eux-mêmes plus basse.
Quel stress ces notes !
Les élèves peu favorables aux notes ont surtout souligné qu’elles sont la source d’un grand stress. Mais l’école publique vaudoise ne semble pas, pour l’instant, prête à se passer des notes. Alors comment faire pour permettre aux élèves de ne pas passer leur vie d’écoliers à stresser dans un cadre qui favorise avant tout la comparaison et la compétition ?
Céline Buchs, chargée de recherche en psychologie sociale à l’Université de Lausanne, nous a donné quelques pistes de réflexion. Elle nous a notamment expliqué que l’évaluation peut avoir une fonction de sélection, comme c’est le cas avec les notes, mais aussi une fonction formative. La logique de sélection, liée aux notes, motive avant tout les élèves à se comparer aux autres et à éviter l’échec. Au contraire, l’évaluation formative, sous forme de commentaires plus précis et détaillés, vise la progression des élèves. Elle se base sur des objectifs d’apprentissage et non sur la nécessité de trier les meilleurs et les moins bons. Ce deuxième type d’évaluation crée beaucoup moins de stress que le premier. Il permet aux élèves de se concentrer sur la tâche à réaliser et de préserver leur estime de soi, même quand tout n’est pas encore très bien compris. On se doute bien que c’est moins désagréable d’avoir des commentaires constructifs sur la manière de s’améliorer, en privé, plutôt que de découvrir devant toute la classe, à haute voix, qu’on a reçu un 3 au dernier test !
En conclusion
Les notes sont finalement avant tout un reflet de la société compétitive dans laquelle on vit. Il semble donc difficile de changer l’école publique sans changer la société. Des alternatives existent, bien sûr, telles que des écoles privées sans note, ou l’école à la maison. Ces alternatives donnent parfois de très bons résultats, mais ne sont pas accessibles à tout le monde.
Nous aimerions donc inviter toutes les personnes qui ont lu cet article à réfléchir à ces questions, même si les solutions ne paraissent pas simples à trouver. Serait-il possible de ne plus former les élèves uniquement à devenir de futurs bons employés, mais avant tout à devenir de futurs citoyens, impliqués à faire vivre une société plus juste et inclusive ? Serait-il possible de nous apprendre davantage à coopérer, à faire avec les autres, plutôt que de nous pousser à essayer d’être toujours le meilleur ?
