Oron-le-Châtel – Feu fictif pour un exercice bien réel
Le château d’Oron a été victime des flammes vendredi dernier. Un exercice grandeur nature qui a permis de tester le fonctionnement des hommes du feu.
Il est 13h24 quand de la fumée commence à s’échapper des combles du monument historique. L’alarme automatique hurle si fort, qu’elle s’entend bien au-delà du périmètre. Le « Pager » de l’officier de service sonne à 13h25. Il ne le sait pas encore, mais le moteur d’une ventilation a pris feu sous la toiture du château. Alors qu’à l’intérieur, une classe d’école primaire visite la demeure fortifiée.
Ce scénario imaginé par le commandant du SDIS (Service de Défense contre l’incendie et de secours) Oron-Jorat, Yannick Arnould, et son responsable de la formation, Olivier Moduli, poursuit de nombreux objectifs : « L’exercice permet d’observer les réactions du chef d’intervention et des sapeurs-pompiers, mais également de voir comment les autres acteurs des feux bleus travaillent ensemble en cas de sinistre de grande importance comme celui-ci. Sans oublier, les réactions des autorités cantonales et communales », expliquait le commandant interviewé en mars dernier, alors en pleine préparation de cette journée du 13 septembre. Si le jour de cet exercice surprise n’était pas forcément un secret, les personnes connaissant le scénario et le lieu choisi se comptaient sur les doigts d’une main avant vendredi dernier. Pour l’officier de permanence cette semaine, peu d’éléments laissaient entrevoir un tel déploiement.
Garder son sang-froid pour prendre les bonnes décisions
Daniel Bize travaille à la voirie d’Oron et avant que son « Pager » ne sonne, il s’affairait à l’entretien de la piste Vita au bois du Chaney. Etant l’officier de « piquet », c’est lui qui a pris les décisions durant toute l’opération. A 13h41, il a revêtu sa tenue de pompier avec la mention : Chef d’intervention.
Hormis les événements festifs, les portes du château sont fermées à clé : « Même durant les visites scolaires, nous refermons les divers accès. Il s’agit d’éviter que des personnes s’engagent dans l’enceinte et ne se retrouvent enfermées après notre départ par exemple », détaille André Locher, président de l’Association pour la Conservation du Château d’Oron.
Pour Daniel Bize, cela se traduit par un aller-retour express au cylindre à clés des sapeurs-pompiers, qui renferme un passe du bâtiment. Clé en main, il s’en suit un tour éclair à l’intérieur du château : A 13h43, le chef d’intervention observe la fumée depuis l’extérieur du château tandis que les premiers hommes du feu s’engouffrent à l’intérieur pour établir s’il y a des personnes prises au piège par les flammes et identifier les zones en feu. Si les élèves en visite scolaire (joués par des jeunes sapeurs-pompiers) ont rapidement pu être évacués, quatre personnes restent encore introuvables. Les soldats du feu, et plus particulièrement Daniel Bize, devront prendre les bonnes décisions pour les sortir saines et sauves et éteindre le feu, le tout sans inonder le château truffé d’objets d’importance culturelle.
« L’exercice permet
Yannick Arnould, commandant du SDIS Oron-Jorat
d’observer les réactions
du chef d’intervention
et des sapeurs-pompiers »
60 personnes en action
Pendant que des pompiers essaient d’atteindre le brasier de l’intérieur, des camions rouges prennent place à l’extérieur. Un véhicule du SDIS Oron-Jorat déploie son échelle pour secourir deux personnes bloquées dans le donjon. Pour la mission d’extinction qui suit, le bras de l’engin est trop court pour accéder à la tour en feu, située à droite du donjon. Un autre camion, capable d’atteindre une plus grande hauteur, est déjà en route. Dans le canton de Vaud, seuls les pompiers professionnels de Lausanne disposent d’un tel équipement. En tout, l’exercice aura sollicité le SDIS Oron-Jorat, le SDIS Riviera, les pompiers professionnels du SPSL, un inspecteur de l’ECA, une ambulance du 144, la Protection civile (ORPC Lavaux-Oron), ainsi que des représentants des autorités cantonales et communales.
Retour à l’intérieur, sous les combles, là où des fumigènes ont été installés pour simuler un feu. Après environ 45 minutes, les pompiers sont au contact du brasier. Au quatrième étage, dans une épaisse fumée, un homme est à terre. « Nous avons un blessé. Il s’agit d’un homme d’une cinquantaine d’années à la corpulence imposante. Il est conscient, mais sonné. Il doit sans doute s’agir du concierge qui a essayé d’éteindre le feu avec un extincteur. Il nous faut du renfort pour l’évacuer », informent les pompiers sur place par radio. Malgré un signal radio parfois brouillé par les murs épais du château, des soldats du feu arrivent rapidement et sortent le blessé pour le tirer de cette mauvaise posture. Dans la foulée, les trois enfants qui manquaient à l’appel ont été retrouvés. Ils s’étaient réfugiés dans le salon pour une partie de cache de cache. Cette fois c’est bon, tout le monde a été évacué du château. Pour Daniel Bize, qui prend les décisions depuis un poste de commandement à l’extérieur, c’est un grand soulagement. Maintenant, il ne reste plus qu’à éteindre le feu.
Intervention complexe
La configuration du château représente un choix judicieux pour un exercice à taille réelle. Sans surprise, la forteresse présente un accès difficile. Pour Cyril Guinchard, inspecteur cantonal adjoint défense incendie et secours, la technologie actuelle simplifie le travail des secours : « Le drone possède une vision thermique. Ses images sont reliées aux serveurs qui les diffusent sur les écrans des véhicules en temps réel ».
Du côté des autorités communales, leur rôle serait de trouver des services de substitution en cas d’incendie de cette ampleur : « Cet exercice m’a permis d’analyser l’importance d’une Municipalité dans ce genre de sinistre. Car en condition réelle, nous devrions mettre à disposition des locaux, offrir des vivres aux personnes dans le besoin et répondre aux demandes du chef d’intervention », explique Anne-Cécile Uldry, municipale en charge de la sécurité à Oron.
A 15h49, le feu est maîtrisé, ce qui signifie qu’il brûle encore, mais ne progresse plus. Selon le scénario, l’incendie ne sera complètement éteint qu’à 16h30. Pour les pompiers, l’intervention ne se termine pas là, car le moment est venu de ranger le matériel. Quant à la Protection civile, et plus particulièrement la protection des biens culturels, il s’agit désormais d’inventorier les objets endommagés par le feu ou l’eau. L’exercice d’aujourd’hui a permis, pour la première fois, de tester une nouvelle méthode de recensement via une application mobile.
Toujours plus intelligent après
Qu’il s’agisse des membres des feux bleus ou des autorités communales et cantonales, l’incendie fictif du château d’Oron aura permis de parfaire ses connaissances et d’identifier des points à travailler lors des prochaines formations. Une opération bienvenue qui fait office de mise à jour pour tout le monde.
Texte et photos Thomas Cramatte – thomas@le-courrier.ch