Opinion – Sécurité et bien-être, un luxe à l’hôpital?
Sebara Gashi, infirmière clinicienne spécialisée | Monsieur Rochat est perdu. Ces derniers temps, il perdait son chemin et il oubliait ses clefs. Alors, quand il a ouvert les yeux et s’est retrouvé entouré de blouses blanches, il a perdu la tête. « Laissez-moi, je veux rentrer chez moi ».
En moins de 24 heures, il a transité par plus de cinq services et rencontré plus de 30 professionnels de la santé. Il est totalement chamboulé, lui qui vit seul depuis le décès de sa femme. Très agité, il a développé ce qu’on appelle un « état confusionnel aigu ». Sa fille Sophie peine à le reconnaître. Elle s’inquiète et se demande si l’hôpital prend vraiment soin de son père. Elle peine à trouver de l’écoute auprès de l’équipe. Elle constate que les aides-soignantes, les assistantes en soins et santé communautaire et les infirmières sont débordées par les imprévus et les urgences. Souvent lors de ses visites, elle constate l’agitation constante qui règne dans le service et n’ose interpeller personne pour exprimer ses craintes. Un jour, devant Léa, infirmière jeune diplômée, elle craque.
Léa s’excuse de ne pas avoir perçu plus rapidement les besoins de Sophie et de son père. Elle fait pourtant de son mieux. Mais, le système de santé actuel est fragmenté, fragilisé par la pandémie. Cela l’oblige à réaliser des soins de plus en plus rapidement. Elle se retrouve contrainte à délaisser ses patients pour répondre aux nombreuses autres tâches qui lui sont confiées. A bout de souffle et sous pression, elle se demande souvent ce qu’elle fait encore à l’hôpital. Elle pensait avoir choisi une profession dans les soins. Malheureusement, les contraintes administratives et économiques ne lui laissent que peu de temps pour une prise en charge humaine et globale.
L’initiative pour les soins infirmiers forts qui sera votée le 28 novembre prochain lui donne un peu d’espoir.
Avec un OUI, elle pourrait offrir plus de soins de qualité et sécuritaires à ses patients. En effet, avec des effectifs supérieurs et mieux formés, elle pourrait avoir plus de temps pour offrir du confort et du réconfort. L’accompagnement des familles est pratiquement impossible de nos jours à l’hôpital. Pourtant, souvent les proches aidants sont indispensables pour le maintien à domicile de la population âgée. De nos jours, il n’est pas rare que certains patients développent de graves complications, possiblement fatales, car le personnel soignant se retrouve contraint à négliger des surveillances essentielles. Les demandes en soins augmentent de manière exponentielle, pourtant les effectifs eux restent pratiquement inchangés, voire diminués.
En améliorant les conditions de travail, grâce à un OUI, le personnel soignant resterait davantage dans la profession. Aujourd’hui, beaucoup d’entre eux quittent le domaine des soins prématurément.
A la recherche du profit constant, les institutions cantonales et hospitalières investissent le strict minimum dans la promotion de la santé du personnel. Derrière une blouse blanche, il y a souvent des femmes et des hommes épuisés et découragés par la charge de travail à fournir. Ils aiment leur profession, mais par manque de soutien et perte de sens, ils finissent par la quitter. Seule cette initiative peut aujourd’hui agir sur ces lacunes, car le contre-projet ne répond pas aux besoins Léa concernant ses conditions de travail.