Opinion
Le 9 février, un vote sur notre responsabilité à l’égard des générations futures

Jean-Daniel Bonjour, chef de groupe des Vert.e.s de Savigny | Nous voterons dans 10 jours sur un seul objet, mais ô combien important puisqu’il traite du respect des capacités de notre planète à assurer la vie de nos descendants. Pas surprenant donc que cette initiative « pour la responsabilité environnementale » soit issue de la jeune génération, exprimant de façon légitime ses préoccupations quant à son avenir.
L’initiative demande que soit posé un cadre aux activités économiques de la Suisse afin qu’elles s’inscrivent, dans les 10 ans à venir, à l’intérieur des limites planétaires, concrètement qu’elles ne dépassent pas les capacités de régénération naturelles (usage des ressources, pollution). Le concept scientifique des « limites planétaires » définit 9 seuils que l’humanité ne doit pas dépasser afin de ne pas compromettre les conditions nécessaires à la vie. Or 6 d’entre eux (climat, biodiversité, occupation des sols, eau douce, cycles de l’azote et du phosphore, pollution) sont déjà dépassés au niveau mondial. L’empreinte de la Suisse sur l’environnement est telle que si le monde entier vivait comme nous, il faudrait 2.5 planètes pour subvenir à ses besoins. Pour l’ensemble du monde, la moyenne est de 1.75 planètes (70 % des pays dépassant le seuil 1.0, mais 30 % étant inférieure), alors qu’il était de 1.0 planète en 1970, ce qui dénote une évolution récente !
Partisans et opposants partagent en fait la même constatation : notre manière de vivre compromet les conditions de vie futures et le développement des pays émergents. Mais quels sont alors les arguments des opposants, et que leur répondre ?
Ils évoquent les risques de chute de compétitivité des entreprises et une hausse du coût de la vie. Mais une économie responsable et orientée vers la durabilité sera plus robuste et résiliente par rapport aux bouleversements à venir. Certes ce virage engendrera des coûts, mais le coût de l’inaction serait encore plus grand avec la multiplication des phénomènes résultant des dérèglements occasionnés. Différer les changements nécessaires engendrerait des dégâts irréversibles et une charge financière insupportable pour les générations futures.
Il est aussi reproché à l’initiative de ne pas proposer de mesures concrètes et d’aggraver les inégalités. Mais comme tout article constitutionnel, l’objectif est ici de fixer des principes de base puis laisser le législateur définir les mesures nécessaires, l’initiative demandant explicitement qu’il soit tenu compte de l’acceptabilité sociale de celles-ci.
Les opposants crient aussi à « l’utopie dangereuse », au « délire décroissantiste » et au délai de mise en œuvre irréaliste de l’initiative. Mais n’est-ce pas une façon d’éviter le débat de fond, une forme de déni de réalité (refus de voir qu’une croissance infinie sur une planète aux ressources limitées conduira à l’effondrement de l’économie elle-même) ou une posture carrément cynique (« après nous le déluge ») ?
Il faut admettre que notre système est en crise et qu’il est nécessaire d’y remédier sans tarder, en faisant de la protection de l’environnement une priorité afin de préserver les conditions même de la vie. Pour cela notre économie et la société doivent s’orienter vers la durabilité. Par ailleurs la Suisse, du fait de notre niveau de vie, a plus que d’autres la capacité d’y parvenir et se doit d’être exemplaire. Cette votation porte donc sur notre responsabilité à l’égard des générations à venir !
Accepter cette initiative, c’est se mettre enfin sur le chemin de la durabilité, donner de l’espoir à nos enfants et petits-enfants en leur offrant la perspective d’un monde meilleur et équitable. « Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants » (Antoine de Saint-Exupéry).