Opinion
13e rente : pour une retraite correcte après une vie de travail
Benoît Gaillard, Union syndicale suisse | En ce début d’année 2024, plusieurs augmentations du coût de la vie se font sévèrement ressentir. Primes maladie, électricité, transports publics, loyers : ces factures s’ajoutent aux hausses qui ont touché l’essence ou l’alimentation.
Face à cela, les retraités sont dans une situation particulière : leur revenu dépend exclusivement de décisions politiques. Or, il y a quelques mois encore, le Parlement laissait tomber les rentiers en refusant une pleine indexation des rentes AVS. Du côté du 2e pilier, la situation n’est pas plus rose : les rentes ne sont pas adaptées à l’inflation, et les nouvelles rentes sont en baisse. Alors qu’on pouvait compter, il y a vingt ans, avec en moyenne près de 60 % de son dernier revenu en cumulant les deux premiers piliers, ce taux est tombé à 47 % seulement aujourd’hui. Résultat : une vie passée au travail ne garantit plus la sécurité financière à la retraite.
C’est le sens particulier de la votation sur la 13e rente AVS : voulons-nous améliorer la situation des rentiers, actuels et futurs, face aux hausses de prix ? L’initiative propose simplement de remettre l’AVS à niveau par rapport au coût de la vie. Et de le faire pour tout le monde, parce que l’AVS n’est pas une obole pour les nécessiteux, mais un socle de revenu auquel chacun a droit après une vie de travail. Qu’on ne s’inquiète pas que les très hauts revenus en bénéficient aussi : comme aujourd’hui, ils paieront bien plus de cotisations qu’ils ne recevront de rente, même avec la 13e.
La 13e rente AVS est également raisonnable financièrement. Car l’AVS se porte bien, et dément régulièrement l’alarmisme idéologique propagé par les banques et les assurances. Les scénarios catastrophes ne se sont jamais réalisés. Pourquoi ? D’abord, le ratio entre personnes en âge de travailler et personnes à la retraite, toujours brandi comme une menace, masque une autre réalité : le taux d’activité moyen ne cesse d’augmenter. La population suisse de 18 à 65 ans travaille davantage, surtout parce que les femmes sont plus nombreuses à exercer un emploi rémunéré. Donc les recettes de l’AVS progressent.
S’y ajoute une croissance de la productivité : en une heure de travail, on crée aujourd’hui déjà 10 % de richesses de plus qu’il y a cinq ans seulement, grâce aux nouveaux outils technologiques et numériques. Ce progrès génère lui aussi une progression des cotisations encaissées par l’AVS. Ainsi, des bénéfices annuels de plus de 3 milliards sont prévus pour les prochaines années. L’AVS aura accumulé près de 70 milliards de réserves d’ici la fin de la décennie.
La 13e rente peut, au moment de son introduction, être couverte aux trois quarts par les marges existantes. Sur la durée, une cotisation supplémentaire de 0.4 % sur les salaires permet, avec la contribution des employeurs, de couvrir le financement. C’est une bonne affaire pour plus de 90 % des gens qui recevront, à la retraite, davantage qu’ils n’ont versé sous forme de cotisations. C’est le génie de l’AVS !
Laisser s’éroder peu à peu le pouvoir d’achat des retraités n’est pas digne de notre pays. Nous devons autre chose aux anciens qui, par leur travail, l’ont fait prospérer. Confrontée aux grands défis de l’histoire, comme le risque d’un déclassement social des retraités, la Suisse sait trouver des solutions concrètes et efficaces. La 13e rente AVS en est une.