Opinion
Une 13e rente AVS… et après ?… une trilogie ?
Louis Gilliéron, Belmont, Ancien membre du Conseil d’administration du Fonds AVS | La campagne sur les prochaines votations de l’AVS a démarré en force. Nous ne trouvons aucune référence aux conséquences possibles sur notre système de prévoyance vieillesse plébiscité en 1972 par une très large majorité du peuple (75%) et par tous les cantons.
Rappelons que l’AVS a fait l’objet de 11 révisions ainsi que de plusieurs modifications partielles. Les rentes sont régulièrement adaptées, par le Conseil fédéral, sur la base de l’indice mixte des salaires et des prix.
La trilogie de la prévoyance vieillesse en Suisse
Chez les anciens Grecs, la trilogie est le nom donné à une réunion de trois pièces dramatiques généralement liées entre elles par l’analogie plus ou moins étroite des sujets.
1re pièce : L’initiative pour une 13e rente AVS soumise au peuple et aux cantons a pour effet de relever les rentes en cours de 8.3%.
D’un côté, les 2,5 millions de rentiers AVS s’en réjouissent évidemment et ils vont donc massivement voter oui !
De l’autre côté, les actifs, les employeurs et les consommateurs devraient passer à la caisse car ils verraient la cotisation AVS et la TVA augmenter afin de trouver, à court terme et chaque année, 5 milliards supplémentaires. Ils vont, en bonne logique, voter non !
Que va-t-il se passer après le 3 mars si l’initiative est acceptée par la majorité du peuple et des cantons ? On jouera une nouvelle pièce.
2e pièce : La votation prévue d’ici fin 2024 sur la réforme de la LPP, la Loi sur la prévoyance professionnelle (2e pilier)
Savourant leur victoire sur la 13e rente AVS et dans l’enthousiasme de ce succès, les syndicats et la gauche élargie, renforcés par les allégations de l’historien et journaliste Pietro Boschetti, vont tout mettre en œuvre pour faire échouer la réforme du 2e pilier. L’objectif est clair et annoncé: ils veulent faire fi des travaux parlementaires issus des délibérations âprement disputées au Conseil national et au Conseil des Etats. Si le référendum est accepté, la réforme du 2e pilier se retrouvera au point mort et on devra recommencer ! C’est alors qu’interviendra la
3e pièce.
3e pièce : Abandon du régime obligatoire de la prévoyance professionnelle au profit d’une AVS élargie
Les formations politiques et syndicalistes qui ont milité pour une 13e rente AVS, puis pour le refus de la réforme de la LPP, voudront mettre fin au régime obligatoire du 2e pilier en prétendant que c’est un échec, compte tenu de la démographie, de l’allongement de l’espérance de vie, de la dénatalité, du rendement des capitaux, du financement de la transition écologique (!), etc.
Ces mêmes militants voudront « rééquilibrer l’ensemble de la prévoyance et donner plus de moyens à l’AVS », par exemple en utilisant les fonds des caisses de pensions! On se retrouvera, peut-être 60 ans plus tard, devant la même alternative que lors de la votation de 1972 : une retraite populaire ou un système de prévoyance reposant sur trois piliers ?
Si on veut améliorer la situation des rentiers AVS, la voie de la 13e rente AVS est mal choisie, notamment par son effet d’arrosoir et son financement. Pour agir de façon ciblée au niveau des bénéficiaires, il vaudrait mieux choisir, comme dans le passé, la voie d’une révision AVS, la 12e en 75 ans !
La voie de la 13e rente AVS est non seulement mal choisie mais pourrait remettre en question tout notre système de prévoyance des trois piliers, lequel est envié par beaucoup de nos voisins. Pour ces raisons, l’initiative de la 13e rente AVS doit être rejetée !