Mézières, Théâtre du Jorat – Ariane Moret : « Il y a plein de manières d’imaginer, de concevoir, de s’adresser au plus grand nombre »
Interview

Comme nos pages l’ont déjà relaté, l’année 2025 a été celle d’un grand rafraîchissement architectural pour le Théâtre du Jorat. Des travaux qui se sont achevés juste à temps pour laisser place à ce pour quoi ce lieu est dédié : l’art et le spectacle.
Quelques jours avant La Réunification des deux Corées, dernier spectacle de la saison, nous avons rencontré Ariane Moret, directrice de la Grange Sublime pour dresser le bilan de cette année. Interview.
Ariane Moret, nous arrivons au terme de cette saison particulière, avec la rénovation du Théâtre du Jorat, et avec une équipe largement remaniée au début de l’année. A l’approche de la fin de ce marathon, quel est votre sentiment ?
Il est très positif. Nous sommes très contents du résultat parce que l’objectif a été atteint : nous avons pu démarrer la saison dans les temps, ce qui n’est jamais gagné quand il y a des travaux. C’était l’aspect le plus sensible au début de l’année. Est-ce que tout sera prêt ? Comment ça va se passer ? On a reçu le théâtre le 17 mai, et on ouvrait le 11 juin. Pour la technique, c’était assez serré, assez dense de rééquiper le théâtre et d’être prêts à démarrer. Et puis, on a démarré avec un spectacle important (Art de François Morel), deux dates complètes assez rapidement. C’est vrai que ce démarrage était intense. On ne pouvait pas avoir des dates plus exigeantes que celles-ci, on était au maximum de nos capacités d’accueil. Nouvelle équipe à la buvette, nouvel outil, dans tous les sens du terme, c’était une première sur tous les points. Mais première réussie. Haut la main. Il y a eu des imprévus, mais on les a bien gérés et c’était fantastique.
Lors du week-end d’inauguration, beaucoup des intervenants à la tribune ont insisté sur la notion de théâtre du peuple qui se rattache au Théâtre du Jorat. Comment intégrez-vous cette dimension dans votre programmation ?
Je pense que cette notion évolue avec notre société. Ici, ça se décline différemment, j’essaie de l’ajuster à notre époque à travers ma sensibilité théâtrale. Pour moi, un « théâtre populaire », c’est un théâtre qui s’adresse au plus grand nombre. A l’intérieur de ce prisme, il y a plusieurs tendances possibles. Il y a plein de manières d’imaginer, de concevoir, de s’adresser au plus grand nombre. J’essaie, tout en gardant cette dimension grand public, d’amener une touche de poésie, je trouve que ce lieu appelle cela. Il y a aussi une grande part créative dans la facture des spectacles qui sont proposés, une patte, avec des artistes qui ont une empreinte au niveau de leur démarche artistique, de leur esthétique, de leur langage théâtral.
Il y a dans vos programmations des choix qui s’adressent plus à un public de niche, tels que l’opéra ou l’art choral, comment est-ce qu’on convainc un public plus large de venir assister à des spectacles comme ceux-ci ?
L’art choral a toujours eu une grande place dans l’histoire du Théâtre du Jorat. Je dirais même qu’il fait partie de son ADN, mais il était présenté différemment, avec des chœurs qui interagissaient à l’intérieur de pièces de théâtre. L’art choral touche un grand nombre de personnes, c’est aussi un milieu en soi qui a plaisir à se retrouver. On a eu une très belle soirée avec le chœur Auguste qui n’était jamais venu au Théâtre du Jorat, ça a fait un buzz, c’était incroyable, ça a été très très applaudi. Du temps de Jean Chollet, il y a eu beaucoup d’opéras, l’Opéra de Lausanne venait créer ici chaque année pendant l’été, avec toute son équipe. Ils s’installaient là, c’était leur campement. Là, on a gardé une collaboration tous les deux ans avec la Route Lyrique de l’Opéra de Lausanne et on la maintient. C’est aussi un public mixte, il y a des gens qui se souviennent peut-être un peu nostalgiques de cette époque de villégiature, ils aiment venir découvrir le travail de l’Opéra de Lausanne à la campagne. Le créateur René Morax lui-même travaillait avec des grands compositeurs, avec des dimensions chorales et d’opéra.
Qu’est-ce que la rénovation des lieux a pu apporter artistiquement ?
Au niveau artistique, ça permet d’accueillir des spectacles plus pointus, plus exigeants techniquement, comme celui qu’on accueille ce week-end (La Réunification des deux Corées), avec l’ancien système scénique, ça n’aurait pas été possible. Et donc on peut avoir une offre plus large. Au niveau de l’accueil aussi, on peut offrir plus de convivialité, plus de confort aux compagnies. On a un plus grand espace pour se rencontrer. Pour la vie du théâtre à l’interne c’est bien, parce que nos bureaux sont enfin reliés au théâtre, jusqu’à maintenant ils étaient extérieurs, on est relié avec la technique, avec les artistes qui passent, on les voit tous les jours, c’est une autre dynamique. On a redistribué les forces différemment pour mieux tenter de répondre aux besoins du théâtre. Notre équipe s’est renforcée. Elle est formidable, elle a accompli un super travail. Je les remercie très fort. Sans eux, il n’y a pas tout ça, c’est vraiment un travail de fourmi. Ils ont amené un autre regard, un nouveau regard. Ce théâtre est vivant et c’est un perpétuel renouvellement, il faut le réajuster, le réinventer.