Mézières – Le spectacle continue (The Show must go on)
Théâtre du Jorat
Les travaux de modernisation et de restauration de la Grange Sublime entrent dans leur phase terminale, les finitions s’achèveront début septembre. Un échéancier intermédiaire est fixé au 16 mai, priorité à la reprise des représentations élaborées par la directrice Ariane Moret.

En 1903, René Morax, lorgnait sur les progrès du Théâtre du Peuple à Bussang en France et du Tellsielhaus d’Aldorf. Il nourrissait l’ambition de créer à Mézières la plus grande scène d’Europe. Cette scène mesurait près de 20 mètres sur 8 sans compter les décors suspendus d’une hauteur vertigineuse, placés sous la charpente. Aujourd’hui, les dimensions n’ont pas changé, sauf qu’elle vient drastiquement de se moderniser.
Charpente et automatisation des décors
Rien n’est simple dans la transformation d’un théâtre plus que centenaire. Raphaël Dupuis, chargé de superviser les colossaux travaux de charpente pour la société la Croix Charpente à Saint-Légier, nous fournit quelques éclaircissements. Le bois d’épicéa, soigneusement sélectionné dans la région, répond à l’une des conditions strictes du cahier des charges. Les arbres une fois abattus ont été stockés durant deux années à l’abri, afin qu’ils sèchent. Contrairement aux bois lamellés-collés fréquemment utilisés de nos jours, cette exigence vise à privilégier du bois massif provenant des forêts vaudoises. Des poutres mesurant jusqu’à 10 mètres de long sont montées de part et d’autre, côté public de la scène, avant d’être hissée au-dessus. A cet effet, les échafaudages monumentaux (qui peuvent se comparer aux chantiers de Notre-Dame de Paris) entourent l’ensemble de la scène. On constate, avec un soulagement évident, que la structure originelle datant de plus d’un siècle a résisté sans faiblir à ces substantiels transformations et aménagements.
En grimpant sur ses spectaculaires échafaudages, nous croisons des employés de la maison Baudin Chateauneuf Swiss, de Préverenges, l’un des rares spécialistes de l’équipement scénique en Suisse. Alain Furin, responsable de chantier et Jonathan Canelo, gestionnaire de projets ainsi que leurs collègues, s’occupent de mécaniser et automatiser les changements de décors, les éclairages et la machinerie, en intégrant un câblage complexe. Pour hisser les lourdes pièces nécessaires, un système de levage semblable à un ascenseur a été installé au sommet des échafaudages, permettant de monter l’énorme quantité de pièces de serrurerie nécessaires à la nouvelle mécanisation des décors et du rideau. Toute cette infrastructure sera terminée le mois prochain, laissant derrière eux un spectacle grandiose.
Malgré l’étroitesse du temps, l’atmosphère sur le chantier demeure étonnamment sereine. Anne Dupraz, architecte associée au bureau FWD, et Cédric Allard, architecte et directeur des travaux, luttent avec une énergie visible au respect des plans et des délais. A mi-mai, place aux spectacles ; aucune marge de manœuvre n’est admise. C’est pour cela que chaque mardi matin, la réunion de chantier rassemble les principaux intervenants. Elle permet de régler dans l’immédiateté les difficultés, oublis ou soucis logistiques. Les entreprises mandatées, telles des abeilles dans leur ruche, s’affairent sans relâche, mais aussi dans une atmosphère de collaboration efficace, digne de ce vénérable monument.
Pour un édifice de cette envergure, le théâtre lui-même ainsi que les nouvelles constructions, dont le Pavillon de réception et l’annexe qui abritent toute l’intendance nécessaire au bon fonctionnement du lieu, sont équipées de chauffages différents. Pour preuve, la géothermie : trois puits de 300 mètres ont été creusés alimentant une pompe à chaleur qui assure la température des espaces de service incorporés aux planchers. Un système de chauffage au gaz sera fonctionnel pour les besoins ponctuels du confort des spectateurs. Des panneaux solaires sur le Pavillon viennent compléter les efforts de réduction de consommation énergétique.

Accessibilité pour les personnes à mobilité réduite
Pour le président, Christian Ramuz, mis à part les difficultés liées à l’eau lors des fouilles évoquées dans un précédent article, les travaux progressent de manière satisfaisante et dans le respect des délais. L’achèvement des creuses ouvre la voie à l’aménagement extérieur. La circulation de camions de 40 tonnes destinés à livrer les décors près de la scène est d’ores et déjà en phase de réalisation.
L’accessibilité et le parcours des visiteurs n’a évidemment pas été oubliées. Une attention particulière a été portée aux personnes à mobilité réduite. Un accès facilité aux sanitaires est sur le point d’être terminé, tandis que les personnes valides devront descendre un étage pour y accéder. L’Annexe, comprenant bureaux, salle de répétition et ascenseur, sera bientôt opérationnelle. Le chalet actuellement utilisé pour les bureaux et la location, situé en face du théâtre, sera abandonné. Toute l’intendance sera déplacée à l’arrière du théâtre dans l’immense Annexe. En attendant l’achèvement du nouveau Pavillon, une tente d’accueil sera installée à proximité, sur le terrain voisin en deçà de la route.
Le budget prévisionnel est scrupuleusement respecté. Les surcoûts inhérents à la transformation d’un édifice centenaire ont été anticipés par les architectes. Ils ont trouvé des solutions de remplacement pour les imprévus. Il est donc tout à fait légitime de rendre hommage au président du Conseil de Fondation, Christian Ramuz et à ses collaborateurs, pour leurs dévouements sans faille qui a mené à bien cette vaste transformation, tout en veillant au respect du lieu et à la préservation des finances.
Définitions
Termes propres à une scène de théâtre : les cintres (ou le cintre) désignent l’espace qui surplombe la scène, au-dessus des décors. Cet espace se termine par le gril, un plancher à claire-voie qui accueille une multitude de cabestans permettant la circulation des câbles de manœuvres liés aux décors et aux équipements d’éclairage. La hauteur des cintres est sensiblement supérieure à celle du cadre de scène.
La cage de scène comprend, sur l’ensemble des murs latéraux du côté cour et du côté jardin, deux espaces verticaux appelés cheminées. S’élevant du dernier dessous jusqu’au gril, ces espaces permettent de faire circuler les fils des machinistes à l’aide de poulies et moteurs. Ils servent à manœuvrer les décors, les rideaux ou les systèmes d’éclairage.
De plus, plusieurs passerelles de service adossées aux cheminées offrent aux machinistes et électriciens un accès direct pour régler les éclairages et changer les décors.

