Médiation
La Souffrance

Depuis le jour où Julien a fermé la porte derrière lui, la maison semble plus grande, beaucoup trop grande. Léa entend tout du tic-tac de l’horloge au frémissement du frigo, mais surtout, elle entend les soupirs de ses enfants quand ils s’endorment. Et parfois, elle entend ses propres pleurs et elle sent ses larmes couler le long de ses joues.
La séparation s’est installée comme une rupture nette, mais douloureuse. Entre Julien et elle, chaque dialogue ou tentative d’échange se transforment en arguments et en querelles. Chaque mot est un reproche, chaque regard une menace. Quant à leurs enfants, Clémence, âgée de 8 ans et Noé de 5 ans, ils absorbent tout, même et surtout ce que leurs parents ne disent pas.
Lors d’une rencontre à l’école, la maîtresse de Clémence a dit à Léa : « Vous croyez que vos enfants ne comprennent pas, mais ils sentent tout et ils portent votre souffrance comme un sac trop lourd pour eux ».
Car oui, il y a un mot que l’on évite souvent de prononcer dans les procédures, dans les débats, dans les accords judiciaires que l’on signe sans se regarder, c’est le terme de souffrance. Celle de ne plus être une famille, de ne plus dormir tous sous le même toit, de devoir calculer qui aura les enfants à Noël ou à Nouvel an. Cette souffrance qui oblige souvent les parties à faire semblant que ça va, alors qu’elles pleurent lorsque personne ne les voit.
Un ami de Julien lui a conseillé de tout faire valoir devant le tribunal, soit notamment le temps passé avec les enfants, l’argent donné, les sacrifices et surtout de ne pas se laisser faire. Ainsi, Léa a reçu un courrier, sec et menaçant, qui parlait de garde alternée, de contribution d’entretien et d’attribution du domicile conjugal.
Ce jour-là, Léa a pleuré en silence, pendant que Clémence dessinait une maison qui se séparait en deux parties.
Lors d’un rendez-vous chez le pédiatre de Noé, le médecin leur a glissé le mot de médiation dans la conversation. Léa a haussé les épaules dubitative et résignée, quant à Julien il a refusé dans un premier temps. Mais la tristesse sur le visage de leurs enfants a fini par peser et ils se sont alors dit : « Pourquoi pas, tentons l’expérience ».
Lorsqu’ils sont arrivés dans mon bureau, la première fois, ils ne se sont pas regardés et ils ont parlé à travers moi, comme si j’étais une sorte de traducteur de leur douleur. Peu à peu, la teneur de leurs phrases a changé pour laisser la place à moins d’agressivité. Comme s’ils pouvaient entrevoir qu’ils avaient été un couple, puis une famille. Leurs propos se sont transformés peu à peu et ils se sont invectivés de moins en moins pour laisser la place à des échanges sur le comment faire pour améliorer le quotidien de Clémence, Noé et le leur.
Ce n’était pas facile, d’ailleurs beaucoup de choses sont difficiles dans une séparation. Mais la médiation a réduit le temps de la guerre tout en permettant d’éteindre l’incendie avant que tout ne soit dévasté.
Aujourd’hui, ils ont parfois encore mal mais ils peuvent se parler calmement et s’organiser sereinement pour les enfants et pour eux-mêmes. Etre deux parents, séparés mais responsables, devant les yeux de deux enfants qui pourront recommencer à dessiner des maisons entières.
Parce que parfois, choisir de ne pas se battre c’est déjà une victoire.
Dans la tempête d’une séparation ou d’un divorce, la médiation n’est pas une solution miracle, mais elle peut devenir un abri et un espace pour reconstruire un peu d’humanité dans ce qui semblait n’être qu’une ruine.