Médiation
Le Dialogue
Lorsque des personnes, à cause d’un conflit ne peuvent plus se parler, la rupture des échanges entraîne des dommages collatéraux.
Laurent Damond, avocat | L’être humain est un animal sociable qui a besoin de contacts avec les autres et particulièrement d’échanges verbaux. Parler ne sert pas seulement à communiquer une information, mais encore à évacuer des émotions. On dit parfois : « il fallait que cela sorte ». Discuter est une nécessité sociale, qui nous permet d’exister. Converser fait appel à toute la palette de nos émotions, notamment de la joie à la tristesse en passant par la peur et la colère. Cela se traduit par nos éclats de voix, nos rires, nos sanglots et nos grognements.
Caroline et Gérard sont séparés depuis plus de cinq ans. Ils se partagent la garde de leurs enfants Philippine et David. Toutefois, leur rupture a été douloureuse et le divorce fut un long combat judiciaire, lequel a laissé des plaies béantes. La souffrance est telle qu’il leur est impossible de parler entre eux, des sujets les plus banaux aux questions les plus importantes concernant leurs enfants. Chaque question est échangée uniquement par des messages écrits.
Après cinq ans de silence, ils ignorent l’un et l’autre pour quelles raisons ils ne conversent plus. Ils se sont tellement habitués à s’écrire des messages, qu’ils ne se rendent même plus compte de leur situation.
Récemment, un problème plus conséquent concernant leur fille les oblige à discuter de vive voix. Comme cela n’est pas une option envisageable, ils essayent tant bien que mal de résoudre leurs difficultés par des échanges écrits. Malheureusement pour eux, en l’état cela n’est pas réalisable.
Gérard ne perçoit pas d’autre solution que de saisir le tribunal, afin que cette autorité trouve une issue pour le problème de Philippine. Caroline apprenant les intentions de son ex-mari lui propose une médiation qui serait moins lourde, moins longue et moins onéreuse qu’un nouveau procès. En effet, la procédure de divorce a laissé chez cette maman des stigmates indélébiles. Gérard n’est pas convaincu, mais répond à Caroline, toujours par message, qu’il est prêt à tenter l’expérience.
Après m’avoir rencontré individuellement, Caroline et Gérard se retrouvent en ma présence dans la même salle, tous les deux fuyant le regard de l’autre. Ils ont conscience que leur attitude exerce une influence néfaste sur leurs enfants. Ceux-ci profitent également de la situation en faisant croire à papa que chez maman il y a des règles plus souples et inversement.
Les discussions débutent et les médiés s’adressent à moi, sans pouvoir se parler directement. Soudainement et comme par miracle, la confiance arrivant, Caroline et Gérard osent un premier mot, puis un deuxième et finalement c’est une conversation qui va durer plus de vingt minutes. Quant à moi, je me confine dans le plus profond des silences, satisfait de constater que deux personnes qui ne s’étaient plus adressé la parole depuis cinq ans puissent discuter. Lorsqu’ils arrêtent de parler, je leur fais remarquer qu’ils ont réussi à dialoguer de nombreuses minutes. Tous les deux sont interloqués, surpris et surtout contents d’avoir passé par cette médiation pour renouer un dialogue indispensable, notamment pour le bien de leurs enfants.
Lorsque les échanges disparaissent entre des personnes, le travail et la présence du médiateur permettent de rétablir les discussions.