Machiavel
« Nous n’avons pas de mauvaises intentions vis-à-vis de nos voisins, le dialogue ne sera possible que si toutes les exigences russes sont acceptées » déclare Vladimir Poutine vendredi 4 mars.
Voilà qui éclaire sa détermination, tout en laissant son but dans l’ombre. Cette rhétorique est machiavélique. Elle permet d’avancer les pions en fonction des réactions de l’adversaire tout en proposant la table des négociations. Sa bonne volonté affichée, la balle est dans l’autre camp, une Europe qui n’a pas suffisamment préparé ses coups d’avance. Mais le peut-elle ?
Créer une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine, comme le demande Volodymyr Zelensky avec insistance implique de devoir la faire respecter. L’OTAN, et tous ses pays membres seraient impliqués et, au premier avion abattu, considéré comme hostile.
Des avions polonais livrés aux pilotes ukrainiens ? La réponse du maître du Kremlin est nette : fournir de l’armement vous place dans le camp des belligérants.
On le voit, chaque décision ouvre un nouveau front potentiel pour le Russe. Machiavélique disions-nous, mais pas uniquement. Pour cet autocrate, la parole est faiblesse, seule la force compte. Face au verbe, il répond par le poing. S’agit-il de réactions de cour de récréation ou d’un retour à l’âge de pierre, peu importe, l’état des lieux est validé, il tient le couteau par le manche.
Bien malin qui pourrait imaginer la sortie du conflit. Les sanctions font lentement leur effet, elles restent les plus coercitives à moyen ou long terme. Pendant qu’il y a des « dégâts collatéraux » tragiques sur les fronts, d’autres se font jour à l’intérieur de l’ex-URSS. On peut douter de la pression populaire ou du poids que pourraient avoir les oligarques ou le gel des échanges de blé, de pétrole ou de gaz…
Ce dont on ne peut pas douter est une conséquence imprévue par le stratège de Moscou, celle de réunir les pays européens autour de l’OTAN et celle d’une conscience européenne réelle. Sans doute non plus, Nicolas Machiavel n’est pas né en Russie.