Lumineux 90 ans de Maria Gut
«J’étais une charogne de gamine. J’ai beaucoup désobéi. C’est ça qui m’a sauvée!»
Pierre Dom Scheder | J’arrive en avance à l’EMS de la Colline de Chexbres où les dames de la réception rivalisent de charme donnant du peps aux papys et aux mamys! Surviennent alors les deux filles de Maria, Pauline et Caroline, pétillantes d’une joie communicative. Elles connaissent la chanson et fredonnent du Scheder… Ça va déménager!
On monte à l’étage chercher Maria qui s’est faite toute belle. Elle a une petite tête ronde de marionnette à la Bécassine qui, comme elle, aime faire des bêtises. «J’étais une charogne de gamine. J’ai beaucoup désobéi. C’est ça qui m’a sauvée!» déclare-t-elle d’entrée.
A la cafète, l’interview débute fort: «Je suis Portugaise comme les sardines. J’aime la danse. Mais papa ne voulait pas que je fasse de la polka.» En ce temps là, l’église interdisait le théâtre et les bals. En plus, la maman royaliste ne voulant pas que son enfant naisse le jour anniversaire de la Révolution l’a déclarée le lendemain, soit le 6 octobre 1929 en pleine crise économique.
A 20 ans, elle part pour la Suisse, un médecin lui ayant diagnostiqué une maladie fantôme. «Allez en Suisse pour mourir!» Pourtant c’est là que Maria se réalise, danse avec les plus grands du Théâtre municipal de Lausanne. Un jeune peintre qui faisait des croquis de danseuses la remarque. Il s’appelle Jean-Jacques et, argument massue, il l’emmène sur sa lambretta! La grande aventure commence comme dans le film italien «Vacances romaines.» Ils se marient bientôt, bien que les deux familles des conjoints, bourrées de principes religieux mortifères, condamnent cette union. Qu’importe! Trois enfants naissent de cet amour fructueux. La famille s’installe à Rivaz puis à Epesses. Papa peint et maman danse. Les enfants grandissent en confiance et en «stabulation libre». Ils se rappellent les vacances au Portugal, tous serrés dans la Renault 4L, chantonnant des rengaines de gosses comme «Un moulin qui tourne» et autres litanies lutines.
Maria aime lire et manger. Elle écoute toutes les musiques. «Tout ce que je fais, je le fais avec passion» dit-elle enfin. A faire mentir le poète Philippe Jaccottet, pourtant ami de la famille, qui écrit que Quand on vieillit, le regard intérieur se fait myope. On rêve moins. On devient plus avide et plus avare… Car chez Maria c’est tout le contraire. Une douce insouciance éclaire sa vieillesse en ce jour anniversaire de ses lumineux 90 ans!
Pierre Dominique Scheder