L’inspiration de vivre le présent dans l’effervescence des fêtes de fin d’année
Gérard Bourquenoud | La reconnaissance, comme la générosité, est un sentiment qui touche profondément le cœur de la plupart des humains. Toute intention se doit d’être vécue l’instant même, car le passé est vite oublié et le futur n’est qu’une promesse dans le vent. Donc pour une personne qui a atteint un âge certain et qui approche d’un autre monde, vivre le présent est un immense réconfort. Autrefois synonyme de sensation, le sentiment se traduit depuis fort lontemps par l’affection que nous ressentons pour un parent, un proche, un frère, une sœur, ou encore un ami. Des philosophes ont qualifié le sentiment comme le fondement d’une morale qui tire son origine d’une inspiration ou d’une sympathie. Pour Descartes, la sensibilité prend deux sens bien distincts : sensation et impression sur le plan physique, mais aussi affection passionnée. Kant définit le sentiment comme une intuition qui, dans la pensée moderne, a tendance à devenir une ouverture aux autres et au monde. Toute intention manifestée au présent a cent fois plus de valeur pour les personnes qui la mérite, même si celles-ci ne s’excusent pas d’exister. Persuadées de ne pas mériter qu’on leur prête attention, qu’on les invite, qu’on les apprécie, elles tentent, plus ou moins consciemment, d’atténuer leur angoisse en faisant de petits cadeaux. Bien entendu, une mauvaise image de soi ne mène pas forcément à se faire oublier. Elles pansent alors leur blessure narcissique en couvrant les autres de compliments, cherchant ainsi à les honorer et à bénéficier de leur bienveillance. Si, par contre, on a le sentiment de ne rien mériter, on peut saisir l’occasion de se faire plaisir, en offrant à autrui ce qu’on se refuse à soi-même, tout en évitant d’imiter ceux qui claironnent le montant de leur cadeau et cherchent à écraser l’autre en le dominant par le pouvoir de l’argent. Car le cadeau exagéré est comme un bélier qui défonce la porte au lieu de frapper discrètement. Pas étonnant que tout un chacun peut se sentir coincé par une telle générosité. Sous ses multiples facettes, l’emprise exercée par les «grands cœurs » est toujours réelle. On a parfois envie de les envoyer sur les roses, mais on risque de s’entendre dire : « Après tout ce que j’ai fait pour toi… » A plus forte raison quand leur sollicitude prend des formes subtiles. Ou encore cette vague relation qui devient soudain votre premier secours quand vous êtes dans le pétrin. Un bienfaiteur, c’est encombrant, même quand on éprouve de la reconnaissance. On en veut toujours un peu à une personne envers laquelle on a une dette dont on ne peut s’acquitter. On n’est plus libre de sa personne et les faux généreux finissent par nous empoisonner la vie. La politesse a une limite, donc il faut réagir, sinon on se laisse étouffer. De manière courtoise, voire affectueuse, on peut comprendre ces personnes et être sensibles à leurs problèmes. La franchise demeure la meilleure solution. Malheureusement, cette qualité semble devenir de plus en plus rare de nos jours. Ce dont je suis parfaitement conscient, c’est que la petite attention qui tombe pile à votre anniversaire, à Noël pour les uns, à St-Sylvestre pour d’autres, constitue un authentique témoignage d’affection qui se traduit par un réconfort, pour ne pas dire du bonheur !