L’histoire de nos villages
Claude Cantini
Oron-la-Ville
Il faut préciser d’emblée qu’Oron-la-Ville a connu, pratiquement, une histoire conflictuelle mais conjointe avec Châtel. En effet, durant toute la période féodale antérieure à l’arrivée des Bernois, les rapports entre les deux Oron ont été marqués surtout par des rivalités plus ou moins ouvertes et des conflits de compétence entre les nobles laïques d’Oron-le-Châtel et les seigneurs ecclésiastiques d’Oron-la-Ville, qui parfois par ailleurs s’entremêlaient.
Oron est l’ancienne Uromagus gallo-romaine, mentionnée dans l’«Itinéraire d’Antonin», un document de l’an 300 environ. Cet ancien toponyme confirme ainsi que la localité était traversée par la route Vevey-Avenches (dont le tracé est encore visible entre Oron et Palézieux), fragment de l’importante voie romaine Milan-Mayence par Martigny et Villeneuve.
Le document le plus ancien connu concernant Oron est une charte de 515 par laquelle le roi des Burgondes, Sigismond, donne les « terres d’Oron », y compris Châtel, à l’Abbaye de Saint-Maurice. En 1018, Rodolphe II de Bourgogne restitue à l’abbaye une partie des possessions (entre autres « la moitié d’Oron ») qu’elle avait perdue entre-temps en faveur des Illens de la Veveyse. L’ensemble, qui comprenait Vuibroye et Auboranges, était administré par un «vidomnes» qui fut parfois un sire d’Oron. La justice était aussi commune.
Vers 1330, l’abbaye de Saint-Maurice avait à nouveau perdu une partie de ses biens, mais un chanoine-sacristain s’occupait maintenant sur place de l’administration de la seigneurie. L’abbaye gardera jusqu’en 1536 la plaine souveraineté sur Oron-la-Ville, et si elle perdra son titre par la suite, elle conservera toutefois ses biens qui ne furent cédés à LL.EE. de Berne qu’en 1675. Berne possédait déjà les biens des sires d’Oron.
Les deux localités ne furent séparées en deux communes distinctes qu’en 1823.
Une paroisse locale est mentionnée en 1141, et dès 1228 Oron fera partie de celle de Châtillens, paroisse commune qui sera maintenue à la Réforme et qui englobait huit localités des environs, dont Châtel.
Les sires d’Oron n’avaient pas de chapelle au château. Ils en firent de ce fait construire une à Oron-la-Ville au XIIIe siècle. Sur son emplacement fut édifié le temple en 1679, qui sera restauré au moins cinq fois jusqu’à nos jours. L’ancienne cure de 1583 fut démolie en 1943 ; la « petite cure », elle, date de 1892.
Jusqu’en 1620, l’enseignement est assuré par le seul pasteur. Un diacre lui sera adjoint par la suite. Les enfants de Palézieux seront aussi pris en compte. Dès 1648, deux régents seront engagés, un pour chaque école. Le collège de 1823 sera remplacé par un autre en 1840. Le collège actuel date de 1908, agrandi en 1992 et 2001. La «Maison Pasche» de 1695 abrita une école dès 1868.
L’actuelle « Maison de Ville » est le fruit d’une importante transformation, à partir de 1954, d’un bâtiment de 1720. Ce dernier avait « droit d’auberge » et abritait les prisons, l’école, deux logements, une fromagerie et même des « chambres pour les séances des autorités judiciaires ». La salle du tribunal a été restaurée et décorée en 1925.
En 1798, l’Auberge de l’Ours changea son enseigne en «de la Croix-d’Or ».
La société de laiterie, fondée en 1836, a cessé d’exister en 2007.
Des 43 maisons d’habitation anciennes, une est de 1556 et cinq du XVIIIe siècle. Celle du Grand-Clos de 1868 a accueilli les cultes de l’Eglise libre, ainsi que son pasteur.
L’agriculture était encore présente en ville jusqu’en 1970 avec une ferme de 1722 et deux autres du XVIIIe siècle sur un total de 9 fermes. Des 18 maisons paysannes, deux sont de 1537 et 1547; une, Les Faverges (aujourd’hui EMS) de 1657 et cinq autres du XVIIIe siècle.
L’ancien artisanat a laissé des traces. Aux Planches-du-Pont, un moulin de 1667, une scierie-moulin et un battoir de 1847. A Vers-le-Flon, un battoir-scierie de 1777 et un moulin de 1790. Le moulin actuel date de 1900.
Le lieu-dit «La Maladaire» rappelle, par son emplacement en bordure de la limite communale, l’enfermement au Moyen-Age des lépreux et autres pestiférés. N’oublions pas que les lépreux ont servi, comme les juifs et surtout lors des crises économiques, de boucs émissaires.
Oron-le-Châtel
La source la plus ancienne connue (515) parle du « Domaine d’Oron », lié déjà à l’époque à l’Abbaye de Saint-Maurice. La famille des de Oron entre dans l’histoire au XIe siècle comme « vidomnes », administrateurs laïques et représentants des chanoines valaisans. Leur seigneurie, depuis 1250 en tant que vassaux des de Savoie, comprenait vers le XIVe siècle, en plus de Châtel, Chesalles, Bussigny et La Rogivue, une douzaine de localités fribourgeoises dont St-Martin, Le Pont et Porsel. Le dernier de la famille des de Oron, François, ayant épousé une de Gruyère, c’est cette dernière famille qui prendra possession en 1383 du château et des terres leur appartenant.
Après deux brèves parenthèses où les seigneurs furent les de Royer (1399-1402) et les de Montmayeur (1402-1457), ce furent les de Gruyère qui reviennent au-devant de la scène en rachetant le domaine. Nouvelle parenthèse de 1501 à 1510 environ, avec comme autres seigneurs les de Montsalvens. Les de Gruyère resteront en place jusqu’à la fin, mais à la condition, imposée par Berne, que la population sous leur dépendance puisse adhérer à la Réforme. En effet, Jean II, seigneur de Châtel depuis 1514, interdisait à ses sujets de se rendre au culte à Châtillens ou Corsier.
C’est en 1553 que le domaine fut mis en vente aux enchères afin de couvrir les dettes du comte Michel qui en avait fait son dernier refuge. L’acquéreur était le demi-canton d’Obwald qui vendra ce bien, trois ans plus tard, au notable bernois Hans Steiger. Ce dernier cédera l’ensemble, qui comprenait les terres appartenant au Haut-Crêt, à la Ville de Berne en 1557. Le bailliage d’Oron était en train de naître : il englobera Oron-le-Châtel jusqu’au partage des deux Oron en 1823. Entre le premier bailli, German Jentsch, entré en fonction en 1557, et le dernier, Jean-Rodolphe de Mulinen, qui a quitté pacifiquement la place en 1798, 41 représentants de Berne se sont succédé au château d’Oron.
Le château-forteresse est du XIIIe siècle; il a été pratiquement reconstruit au XVe et a subi de nombreuses transformations. Déclaré bien national, il fut acheté en 1801 par les Roberti de Moudon, puis, vers 1870, par le Français Adolphe Gaiffe qui en fit la plus importante bibliothèque privée d’Europe. Il a été racheté en 1936 par l’association qui œuvre encore aujourd’hui à sa conservation.
Au printemps 1802, comme ailleurs – surtout dans l’ouest du canton – le château a connu l’action des «Bourla Papey». «Les archives du bailliage étaient déposées dans le grenier du château (qui deviendra une maison d’école). Les documents qu’elles renfermaient furent ensuite remis aux communes et, après mûre délibération, brûlés solennellement en 1803, au lieu-dit «le Bosson de la Croix»… Le feu anéantit ainsi quantité de documents précieux pour l’histoire du pays. L’inventaire des livres et documents des archives du château d’Oron (surtout reconnaissances de droits féodaux, presque tous du XVIe siècle), revu et mis en ordre en 1711 par le bailli Thormann a été sauvé des flammes» (Charles Pasche).
La gare de la ligne de chemin de fer Lausanne-Berne, de 1862, est encore en bois, comme à l’origine.
Entre 1762 et 1912, puis pendant les deux guerres mondiales, ont existé des mines de lignite. Selon le Dictionnaire Mottaz, avant 1860 ce combustible était transporté par chars jusqu’à Berne pour la fabrication de gaz d’éclairage.