L’exemplarité énergétique de la Confédération perd en crédibilité
Gil. Colliard | Alors que les Chambres fédérales ont adopté, le 30 septembre dernier, le premier volet de la stratégie énergétique 2050, et que les élus de la Confédération annoncent, à grand renfort de publications et d’interview, l’objectif de promouvoir l’utilisation du bois dans un but économique, énergétique et écologique, Armasuisse éteint sa chaudière à bois de la caserne de Valacrêt, à Moudon, pour remettre en marche sa chaudière à mazout. Incompréhension dans le milieu forestier et sortie du bois de la classe politique vaudoise.
Les communes portent un intérêt particulier à la création et à la rénovation des chauffages utilisant les bois indigènes, pour leurs infrastructures qu’elles soient administratives, scolaires ou sportives.
Une décision combattue par les milieux politiques toutes couleurs confondues
Mi-juillet dernier, surprise d’André Jordan, président du Groupement forestier Broye-Jorat, découvrant une lettre de la Confédération annonçant laconiquement la résiliation de la convention de fourniture de plaquettes de bois pour la chaufferie de la place d’Armes de Moudon dès le 31 octobre 2016, en raison de l’arrêt d’exploitation de la centrale de chauffage à copeaux de bois. A l’issue de la séance de comité du 22 août, en présence de représentants d’Armasuisse et des communes de Moudon et Syens (territoire sur lequel se trouve la place d’Armes) un courrier dénonçant l’incohérence de cette décision de revenir à l’utilisation d’une énergie fossile, face à la ligne de conduite décidée par la Confédération, est adressé à Guy Parmelin. La classe politique vaudoise s’enflamme pour le sujet, relayée par la presse. Le 26 septembre, les Verts vaudois interviennent auprès du Conseil fédéral, par le biais d’une interpellation déposée par Daniel Brélaz au Conseil national, demandant un retour en arrière et le maintien d’un système de chauffage écologique et profitable pour l’économie locale. La conseillère d’Etat, Jacqueline de Quattro, adresse un courrier à Guy Parmelin avec copie à Doris Leuthard demandant le réexamen de la stratégie de remplacement de cette chaufferie. Au Grand Conseil vaudois, la résistance s’organise autour des députés Daniel Ruch, Aliette
Rey-Marion et Pierre Volet. Frédéric Borloz, président du groupe PLR apporte aussi son appui de même que Jean-François Métraux, inspecteur cantonal des forêts qui souligne les articles «bois» de l’ordonnance de la loi forestière du Conseil fédéral entrant en vigueur au 1er janvier 2017.
Incompréhension par rapport à une politique à court terme
Coup de hache pour le Groupement forestier Broye-Jorat, gestionnaire de la Société coopérative bois-énergie Jorat-Broye qui a investi Fr. 500’000.– en 2015 dans la construction d’un hangar à plaquettes à Moudon, soit un revenu de Fr. 200’000.–. «Le bois, issu des forêts régionales, prévu pour la saison à venir, était déjà stocké lors de la réception du courrier. L’utilisation, cet automne, de la chaudière à mazout en lieu et place de celle à bois correspond déjà à 1000 m3 de plaquettes» déplore Marc Rod, garde forestier et responsable de la gestion de la coopérative. Fin septembre, reconnaissant la manière un peu cavalière dont la décision a été annoncée, Armasuisse reconduit l’utilisation du bois pour ses casernes jusqu’en juin 2017. Si le site de Valacrêt devrait être abandonné par l’armée d’ici à 2022, l’utilisation de ces bâtiments va perdurer, des idées se profilent déjà, d’où une interrogation sur cette politique à court terme de la Confédération. La mise aux dernières normes en matière d’émissions du chauffage à bois existant est devisée à quelque Fr. 150’000.–, et permettrait à la chaudière de fonctionner pendant encore une dizaine d’années. La rénovation de l’installation bois est chiffrée à 1,1 million de francs et bénéficierait, en plus, d’une aide cantonale.
Petite victoire déjà pour le Groupement forestier qui a aussi trouvé, dans la classe politique vaudoise, un soutien indéfectible, et espoir de voir la Confédération revenir sur cette décision qui va à l’encontre de l’objectif d’exemplarité qu’elle s’est fixée.
Des installations aux dernières normes pour Jorat-Mézières
Si d’un côté la Confédération fait office de mauvais élève sur ce dossier énergétique, nombre de communes, telle Jorat-Mézières, par l’intermédiaire de l’ASIJ (Association scolaire intercommunale du Jorat) sont acquises au bois. En 1991, lors de l’agrandissement du collège du Raffort de Mézières, la chaudière à mazout fut remplacée par l’un des premiers chauffages à distance et à plaquettes du canton. Ce dernier, avec une consommation moyenne annuelle de 1500 m³ de plaquettes, produit de la chaleur non seulement au bâtiment scolaire, mais aussi à un ensemble de bâtiments communaux: voirie, local des pompiers, différents locaux, grande salle ainsi que l’Auberge communale et les appartements attenants. Devenu vétuste, le système a fait l’objet d’une étude de rénovation du bureau BESM SA et a bénéficié d’un crédit de
Fr. 860’000.–. Début septembre, après trois mois de travaux, les deux nouvelles chaudières, alimentées en plaquettes sèches, de chacune 300 KW, complétées par un accumulateur de 5800 l., ont pris la relève. Conforme aux dernières normes en matière d’émissions de rejets dans l’air, l’installation se gère principalement de manière électronique. «Nous pouvons ainsi optimiser notre système car tous les bâtiments sont équipés d’échangeurs de chaleur et de compteurs» commente avec satisfaction Etienne Cherpillod, président de l’ASIJ. Mais si l’automatisation a simplifié plusieurs tâches, il n’en demeure pas moins que le contrôle humain reste nécessaire. Ce qu’effectue, sans faille, depuis 1991, Francis Glauser qui, heureux présage, a photographié un couple de cigognes, venues inaugurer le temps d’une nuit, les deux nouvelles cheminées.