Les Victorieuses
Laetitia Colombani – Editions Grasset
Monique Misiego. |. Solène est une brillante avocate à qui tout réussit. Après le suicide d’un de ses clients sous ses yeux, elle va fait un burn-out dont elle aura beaucoup de peine à se remettre. Après de longues semaines à ne rien faire, elle tente de redonner un sens à sa vie. En surfant sur internet, elle tombe sur une annonce, toute petite, au fond d’une page, quelques mots qui vont changer sa vie. Ecrivain public. Ces mots font remonter en elle de vieux souvenirs enfouis très profondément. Enfant, elle ne rêvait pas d’être avocate, mais écrivaine. Ses profs la trouvaient douée, ses parents se sont montrés plus sceptiques. Les métiers artistiques ne font pas vivre, c’est ce qu’avait dit son père. Elle répond à l’annonce et reçoit rapidement une réponse du responsable de l’association. Il s’agit de mettre ses capacités à la portée des femmes de tous bords, des blessées de la vie, qui se rejoignent toutes au Palais de la Femme à Paris, où elles trouvent un toit, de la nourriture et la sécurité. Les premiers jours ne sont pas faciles. Elle se retrouve souvent seule à sa table devant son ordinateur. Les «pensionnaires sont méfiantes» envers cette nouvelle venue qui n’est pas de leur bord. Puis petit à petit, elle va délaisser son ordinateur pour un bloc et un stylo, certaines vont l’approcher, tout d’abord par curiosité, puis pour lui demander un service, une lettre, pour un autographe de la Reine d’Angleterre, pour le supermarché du coin qui a mal rendu la monnaie, pour un enfant resté en Afrique à qui sa mère voudrait écrire. Elles s’appellent Binta, Sumeya, Cvetana, Salma ou la Renée. Elles ont toutes des destins tourmentés. Elles ont souvent vécu dans la rue. Elle va trouver en elle des sentiments qu’elle croyait endormis et qui vont lui permettre d’amadouer ces femmes et surtout de leur apporter son aide. Parallèlement, on suit le parcours de Blanche Peyron, membre de l’Armée du Salut, qui voua sa vie à aider les plus démunis et qui se battit corps et âme pour ouvrir ce Palais de la Femme qui est toujours en activité. C’est un exercice que l’auteure avait déjà pratiqué dans son premier livre «La Tresse» dont je vous avais parlé. Ce croisement de destinées est assez intéressant et porte à notre connaissance des faits historiques peut-être oubliés. En tous les cas, le passage d’une destinée à l’autre dans les chapitres est tout à fait fluide. Ce livre est un hymne à la solidarité, non seulement entre les femmes mais aussi envers les plus démunis. L’auteure ne tombe pas dans le voyeurisme, elle explore simplement un monde que nous n’avons pas envie de voir mais qui existe bel et bien, y compris en Suisse. Je n’ai pu m’empêcher de faire un parallèle avec le film «Les invisibles» de Louis-Julien Petit, paru en 2018. Les femmes sont doublement en danger quand elles vivent dans la rue. Elles doivent non seulement trouver de la nourriture, un endroit où dormir, mais doivent aussi tenter d’échapper aux viols qui sont très fréquents parmi cette population particulièrement vulnérable. C’est le deuxième roman de l’auteure et c’est une réussite, comme le premier qui s’est d’ailleurs vendu à un million d’exemplaires, qui a été traduit en 35 langues et qui est en cours d’adaptation pour le cinéma. Vivement un troisième.