Les Cullayesê: Rosly Mojonnier, 90 ans et une vie tout en douceur(s) et en saveurs
Michel Dentan | Elle offre gentillesse et douceur à son entourage. Mais ce sont d’autres formes de douceurs, plus gustatives, que Rosly Mojonnier a proposé durant toute sa vie à ses fidèles clients. Celle qui a fêté son 90e anniversaire la semaine dernière réside dans le village des Cullayes (commune de Servion) depuis près de 40 ans. C’est entourée de ses deux fils, John et Olivier – sa fille Monique était malheureusement absente -, qu’elle a reçu la visite d’une délégation des autorités communales qui lui a adressé ses voeux en lui remettant les cadeaux de circonstance.
La rencontre
Au départ, rien pourtant ne la prédestinait à venir s’établir en Suisse romande, elle qui habitait le petit village d’Hospental, dans le canton d’Uri, carrefour de sept des plus beaux cols de Suisse, où elle passa une partie de son enfance. A l’époque, il n’y avait cependant guère de débouchés professionnels dans cette région reculée. C’est la raison qui poussa Rosly Mojonnier à aller travailler dans une boulangerie de Zurich. Elle appréciait cependant la Suisse romande, l’ayant connue alors qu’elle avait séjourné dans un institut du Bouveret où elle avait pu perfectionner ses connaissances de langue française. A la lecture des journaux, elle apprit qu’une grande confiserie de La Chaux-de-Fonds cherchait une vendeuse. Sa candidature ayant été acceptée, elle s’installa dans cette ville. Nous étions alors en 1948. Et c’est là que le destin décida de changer le cours de sa vie. Le chef pâtissier de l’endroit, un certain Robert, fût immédiatement subjugué par la nouvelle venue, tant et si bien que trois jours après l’avoir vue, il la demandait en mariage, bousculant ainsi tous les préjugés d’alors! Et c’était sans compter qu’à l’époque, il n’était guère admis par les employeurs que des couples oeuvrent ensemble dans la même entreprise. C’est la raison pour laquelle Rosly dû – très provisoirement – abandonner son cher Robert. Elle trouva un poste dans une confiserie de Lausanne où il la rejoignit six mois plus tard. C’est en janvier 1951 qu’ils concrétisèrent leur union.
Dans l’intervalle, Robert avait encore passé sa maîtrise fédérale de confiseur et c’est au mois de février de la même année qu’ils reprirent, dans le quartier de Chailly à Lausanne, une boulangerie-confiserie dont le nom allait devenir très connu, même si lors de la préparation de leur mariage, un mois auparavant, le curé leur avait souhaité bonne chance dans leur projet en leur rappelant que leurs deux prédécesseurs avaient fait faillite! Mais le dynamisme et la volonté de Robert et de son épouse ont fait mentir la «tradition»! On chuchote qu’alors des confiseurs lausannois avait vu d’un oeil plutôt favorable le fait qu’il s’installe «hors de la ville», heureux d’éloigner ainsi un redoutable concurrent. Perfectionniste, Robert Mojonnier l’était. Il décida de renoncer à la boulangerie pour se consacrer exclusivement au domaine de la confiserie, vendue au magasin et au tea-room tenus par Rosly, qui l’a toujours admirablement secondé dans son activité. Il estimait que «le pain donnait au four un goût déplaisant qui risquait de se répercuter sur l’excellence de la pâtisserie». Il était probablement dans le vrai et sa décision fût judicieuse puisque ses produits de très haute qualité lui valurent une notoriété loin à la ronde et même jusqu’à New York où Rosly fût une fois interpellée par un vibrant «Oh misses Mojonnier!». En 1987, ils décidèrent de remettre leur commerce après avoir régalé d’innombrables papilles de leurs gâteaux, entremets, tourtes, glaces, pralinés, truffes et autres délices, pour ne citer que quelques-unes de leurs spécialités artisanales.
L’arrivée dans le Jorat
C’est en 1973 qu’ils décidèrent de quitter l’appartement qu’ils occupaient au-dessus de la confiserie pour s’établir à la campagne. Robert, sujet au vertige, cherchait un «terrain plat» pour y construire sa maison. C’est aux Cullayes que le couple trouva son bonheur et où il s’installa définitivement en 1980.
Depuis le décès de son époux en 2012, Rosly Mojonnier, toujours très active, dynamique, positive, souriante et enjouée, continue à profiter pleinement de la vie en se consacrant à ses passions: jardin, lecture, marche et jass. Souhaitons lui que les cartes lui restent favorables de très nombreuses années encore.