L’Empereur, un beau film animalier
Pierre Jeanneret | Non, il ne s’agit pas de l’empereur de Chine ou du Japon, mais du manchot empereur, oiseau pouvant atteindre plus d’un mètre de haut. Le film a été tourné dans l’Antarctique par Luc Jacquet. Celui-ci avait déjà réalisé La Marche de l’empereur, qui obtint un succès mondial et l’Oscar du meilleur film documentaire en 2006. Les images du film sur écran large sont tout simplement magnifiques: paysages de banquise, crevasses, icebergs, débâcle des glaces, océan scintillant, blizzards, vues aériennes des colonies de manchots et gros plans sur cet oiseau qui rampe, marche sur deux pattes et surtout nage comme un poisson, ou plutôt «vole dans l’eau». La valeur du film n’est pas seulement esthétique, elle est surtout documentaire. On suit la vie d’un manchot empereur depuis la rencontre du mâle et de la femelle et la conception, la couvaison à deux, puis l’éclosion de l’œuf, la quête de nourriture par les parents pour alimenter le fragile poussin, jusqu’à l’âge adulte où l’oiseau perd sa couleur brune pour acquérir un plumage blanc, et plonge pour la première fois dans l’océan. Sait-on que, pour chasser dans l’eau, il peut suspendre sa respiration pendant plusieurs minutes et descendre dans les profondeurs jusqu’à plus de 500 m? Ensuite, il lui faut trouver un trou dans la banquise pour remonter à la surface.
Les manchots empereurs ont une vie sociale étonnante. Ils se déplacent en colonnes, se serrent et font la «tortue» (comme les soldats romains avec leurs boucliers) pour se protéger des vents glaciaux. Les couples se forment pour toute la durée de la reproduction, mais rares sont ceux qui restent fidèles d’une année à l’autre. Les dangers sont nombreux et seule une partie des poussins vont survivre. La vie des manchots est conditionnée à la fois par un instinct qui, par exemple, les amène à parcourir des dizaines de kilomètres pour trouver la mer et ses ressources, et par la transmission des savoirs de l’adulte au poussin. Le narrateur du film est l’acteur Lambert Wilson. Son commentaire est sobre, clair, scientifique mais sans pédanterie ni pathos. Un beau film à voir, d’autant plus que l’existence de ces oiseaux étranges, à la démarche parfois presque «humaine», est menacée par les désastres écologiques en cours. Luc Jacquet, L’Empereur, 82 min. Le film sort en salles à mi-février.