Le sol suisse
Votation du 10 février
Tobias Imobersteg | IIl est notre maison, notre vie sociale et notre milieu naturel. C’est sur le sol que prend place toute la diversité de nos vies. Inquiétée par l’urbanisation, une initiative demande le gel des zones à bâtir dans les villes et les villages ainsi que le gel de l’agriculture et de l’élevage hors-sol. Ces derniers sont des serres et des étables bétonnées qui vont souvent à l’encontre des paysages agricoles souhaités. Bien qu’opposé à l’initiative, j’aimerai saluer les initiants sur ce point: j’aurai même soutenu l’initiative s’il n’y avait pas le gel des zones à bâtir. Mais l’acceptation de l’initiative serait une désagréable révolution: un rush sur les terrains qui ferait grimper les prix dès le lendemain de son acceptation.
Se nourrir et vivre en Suisse
L’Helvétie importait déjà des dattes carthaginoises, la Suisse des XIII Cantons avait son blé d’Alsace, et aujourd’hui les denrées viennent de partout; ce petit centre de l’Europe a toujours acheté à l’étranger ce que son sol n’arrive pas à produire. Alors que par le passé, la Suisse était encore en mesure de nourrir une partie du pays en cas de crise majeure, ce n’est plus le cas aujourd’hui: l’agriculture dépend de mines, de chimie et de pétrole. Tout est importé pour nourrir un sol soi-disant «naturel» et devenu dépendant à ces produits. Ce qui reste, c’est le sentiment d’une agriculture qui sculpte nos paysages et – parfois – notre biodiversité. Mais sinon, le plan Wahlen de la Deuxième Guerre a perdu son sens. Si nous désirons une agriculture qui fait sens, abandonnons l’idée de l’autosuffisance alimentaire. Produisons ce que nous pouvons avec les moyens disponibles sur place, produisons-le dans le respect des sols, de la santé humaine et de la biodiversité. Une agriculture suisse productiviste n’est pas durable. Cette prise de conscience fait mal. Protéger le sol a un sens pour la santé et le paysage, mais plus pour l’agriculture. Nous devrons encore longtemps importer notre alimentation.
La densification
La densité de la commune de Genève est de 12’500 hab/km² et elle offre une qualité de vie parmi les plus élevées au monde avec sa vieille ville, ses parcs, ses grandes avenues, ses hôpitaux, ses bureaux, son fleuve, son quartier des Nations, ses commerces, etc. Le problème sont les voitures «extra-communales» qui y circulent. La ville souffre donc d’une diminution d’attractivité alors que ses habitants n’ont pas besoin de voiture. Augmenter la densité signifie donc plus d’espace et plus de vie.
Une Suisse de 17 millions d’habitants
Si la population suisse, actuellement à 8,5 millions, était doublée et qu’elle vivait dans une densité de 12’500 hab/km², cela signifierait que 17 millions d’habitants utiliseraient une surface seulement comme… le canton d’Argovie (1400 km²). Et dans le cas où toute la Suisse vivrait comme au centre de Genève, notre pays de 41’300 km² compterait un demi-milliard d’habitants (sic) et peut-être même un peu plus grâce à la pente de nos montagnes… En se basant sur notre PIB par habitant actuel, nous serions de loin la première puissance mondiale. Vous l’aurez compris, nous ne sommes même pas obligés de vivre comme le citadin genevois pour sauver le sol suisse: disons que 9000 hab/km² nous suffiront. L’alarmisme des initiants est infondé. En revanche, un territoire faiblement densifié et urbanisé (comme Corseaux ou Paudex, respectivement seulement 2000 et 3000 hab/km²) couvrirait l’équivalent de la surface du canton de Berne pour atteindre les théoriques 17 millions d’habitants… Bien que l’initiative pose les bonnes questions, elle propose deux solutions risquées: le gel de la zone à bâtir et la création d’une bourse d’échange… Je refuse ce saut dans l’inconnu. Nous possédons déjà les instruments nécessaires (LAT et Lex Weber) pour aménager le territoire de manière intelligente. Et chacun d’entre nous peut agir là où il habite afin d’aménager intelligemment son morceau de Suisse et d’inciter les autres à en faire autant. Je vote NON.