“Eclipse du bonheur” – La voix lactée pour refuge
«Eclipse du bonheur», fiction du réalisateur suisse Stefan Haupt
Colette Ramsauer | Le film s’inspire du roman éponyme de l’écrivain bernois Lucas Hartmann. Histoire tragique qui raconte le destin d’un môme seul survivant de sa famille d’un tragique accident de la route. Fiction que le réalisateur Stefan Haupt mène avec justesse.
Mutisme sélectif
Yves (Noé Ricklin) a perdu ses êtres les plus chers: papa, maman, son frère, sa soeur. Cadet de 8 ans fuyant une cruelle réalité, il se réfugie dans le souvenir de l’éclipse solaire qu’ils ont observée ensemble avant que leur voiture s’élance sur la route meurtrière. A son chevet, la psychologue Eliane Hess (Eleni Haupt) tente de le sortir du mutisme sélectif dont il souffre.
Forces et fragilités de l’entourage
Parents proches, médecins, service de protection de l’enfance s’impatientent. Ils ont à décider ensemble de l’avenir du petit gars. Dans ses vaines tentatives de le faire parler, Eliane l’emmène dans un voyage virtuel à travers une œuvre d’art symbolisant les cycles de la vie. Alors qu’Yves, au fil des jours, substitue la psychologue à sa maman perdue, Eliane perd la distance qu’exige sa profession. Une décision mûrie va basculer sa vie de mère de famille débordée. Le film suit le duo jusqu’au moment où Yves parle enfin de ce qui s’est véritablement passé dans la voiture quelques secondes avant le choc frontal sur l’autoroute. Le cinéaste a trouvé le ton juste dans le rapport caméra/enfant acteur. Il distingue les réactions, le caractère des personnes entourant le garçon traumatisé, les problématiques relationnels entre soignants/parents, parents/enfants/ couple/famille recomposée. Leurs forces, leurs fragilités face au petit gars meurtri. Touchant, d’actualité.
«Eclipse du bonheur»
Fiction de Stefan Haupt, Suisse 2016, 114’ vo 16/16ans, avec Eleni Haut, Noë Ricklin, Elisa Plüss, Chiara Carla Bär, Martin Hug. Au cinéma d’Oron
les ve 12 et lu 15 mai à 20h (2)
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De la fiction au documentaire
Lucas Hartmann, auteur de littérature pour la jeunesse, ne s’est pas trompé en déposant un jour son livre Finsteres Glück dans la boîte à lettres du réalisateur et scénariste Stefan Haupt (Moritz 2003 téléfilm, Le Cercle 2014)… à qui le roman a plu et qui s’est lancé dans la version
cinématographique. Traitant le même sujet, on a pu voir lors des FIFF 2017, «Obscure» film documentaire de la réalisatrice franco-syrienne Soudade Kaadan: le suivi psychologique d’Ahmad muré dans son silence, enfant traumatisé de guerre d’Alep, réfugié au Liban. On ne peut s’empêcher la comparaison avec le film de fiction. Les séances filmées d’une théraphie ardue de « Obscure » peuvent s’avérer fort utiles aux spécialistes. Doit-on cependant les projeter à un large public; quel respect pour la sphère privée du jeune Ahmad; y-a-t-il des limites au documentaire?