Dinde
Georges Pop | La tradition est encore bien ancrée sous nos latitudes: à Noël on se régale d’une dinde farcie de préférence aux marrons en Suisse, France et Belgique, aux croutons et à la sauge au Québec, ou encore à la viande hachée et aux champignons en Grèce. Depuis le Moyen-Âge, il était d’usage chez les chrétiens de partager une volaille le jour de la nativité, poulet chez les plus modestes, oie chez les plus aisés. La dinde quant à elle ne fit son apparition sur les tables du Vieux Continent qu’au XVIe siècle. Et pour cause: ce volatile est originaire d’Amérique et sa découverte a coïncidé avec celle du Nouveau Monde par Christophe Colomb en 1492. Au début, les explorateurs espagnols étaient convaincus qu’ils étaient arrivés en Inde. Ils baptisèrent donc ce gros gallinacé poule d’Inde; nom qui fut réduit en dinde puis en dindon pour le masculin. C’est aussi simple que ça! Selon la revue Historia, c’est en 1570 que fut servie pour la première fois une dinde en France lors d’un festin, à l’occasion du mariage du Charles IX avec Elisabeth d’Autriche. Quant à la première dinde à être dévorée lors d’un repas de Noël, elle a paraît-il fini dans l’estomac de Charles Albert de Bavière, devenu empereur du Saint Empire en 1742. Ce n’est que très progressivement que la dinde s’imposa sur les tables le jour de la nativité car il fallut attendre l’extension de son élevage en Europe. On a fini par la préférer au poulet parce qu’elle est plus grosse et qu’elle permet de nourrir de nombreux convives et aussi à l’oie qui coûte plus cher. Certains prétendent que la tradition de la dinde de Noël fut favorisée par le romancier britannique Charles Dickens. Dans son très populaire Cantique de Noël, l’auteur raconte comment le vieux Scrooge, avare impénitent mais hanté par la mort, finit par se convertir en homme généreux le matin de Noël et envoyer une dinde bien grasse à son employé Bob Cratchit, papa d’un fils handicapé. Il est intéressant de relever que, dans la langue française, donner à quelqu’un – surtout à des femmes – des noms d’oiseaux peut être assez injurieux: cervelle de moineau, tête de linotte, bécasse, bécassine, oie blanche, poule de luxe ou grue pour les femmes de petite vertu, bavarde comme une pie, etc. La brave dinde n’échappe pas à la règle. Outre le volatile, le mot désigne aussi une femme niaise ou stupide. Evidemment, toutes ces expressions ont été inventées par des hommes; des vieux hiboux ou des coqs prétentieux. Et il n’y a pas de quoi être fier… comme un paon. Joyeux Noël!