La petite histoire des mots
Fête
Georges Pop |. Dès aujourd’hui et jusqu’au 11 août prochain, la ville de Vevey, et avec elle toute la Suisse, va vibrer aux rythmes de la Fête des vignerons. Organisée par la Confrérie des Vignerons de Vevey depuis 1797, la manifestation est planifiée une fois par génération et constitue chaque fois un évènement mémorable pour tous ceux qui y assistent par centaines de milliers. Du point de vue sociologique, la «fête» est une parenthèse collective et joyeuse qui, par son retour ponctuel, a représenté et représente encore, une façon de marquer les cycles de la vie individuelle ou communautaire. A l’origine, les fêtes étaient surtout d’essence religieuse. A Rome, dans l’Antiquité, le calendrier était divisé en jours «festi», les jours consacrés à «fêter» les dieux, et en jours «fasti», les jours «fastes» pendant lesquels les citoyens étaient autorisés de se consacrer à leur travail et aux affaires publiques. Et c’est justement du latin «festa dies» (jour de commémoration) qui nous vient le français «fête» qui est avéré avec l’orthographe «feste» dès le 11e siècle. Le mot a engendré plusieurs dérivés, tels que fêtard, festif et festival; mot qui désigne bien évidemment une de ces fêtes de la musique dont les Suisses sont si friands en été, de Montreux à Nyon en passant par Verbier, Neuchâtel, Gampel ou Avenches. Il est d’ailleurs cocasse de noter que «festival» a été emprunté à l’anglais et réintroduit dans la langue de Molière au début du 19e siècle alors que la langue de Shakespeare l’avait elle-même piqué au vieux français quelques siècles plus tôt; un ping-pong linguistique qui fut autrefois assez courant entre les deux langues. Le mot «fête» quant à lui nous a donné un grand nombre d’expressions. Quelques exemples? «Etre à la fête» veut dire se réjouir de quelque chose. Au contraire, «ne pas être à la fête» signifie que l’on est triste ou déprimé. «Avoir le cœur en fête» révèle une humeur joyeuse. «Se faire une fête» de quelque chose veut dire que l’on se réjouit d’un évènement à venir. L’expression «faire la fête» à quelqu’un exprime la bienveillance. Mais attention! «Lui faire SA fête» signifie qu’on lui réserve une réception plutôt pimentée, voire très salée. Ceci encore pour vous surprendre: il existe un mot savant pour désigner les sociologues ou les historiens spécialisés dans l’étude des fêtes. Vous devinez…? Un festologue…? Non, vous n’y êtes pas! Un expert en histoire des fêtes s’appelle un héortologue et la science qui se consacre à l’étude des fêtes porte le nom d’héortologie. Le mot a été composé à partir de deux termes grecs: «héortê» (ἑορτή) qui veut dire fête et «logos» qui désigne à la fois la parole et la raison. Il a été inventé à la fin du 19e siècle par un fils de pasteur, le philologue classique allemand Wilhelm August Mommsen qui a écrit d’innombrables ouvrages sur le droit, la numismatique et les mœurs romaines. Il est aussi l’auteur d’un livre intitulé «Antiquarische Untersuchungen über die Städtischen Feste der Athener» (Enquête antique sur les fêtes publiques des Athéniens». C’est précisément sur la couverture de ce document qu’apparaît pour la première fois, en allemand, le terme «héortologie». August Mommsen était sans conteste un grand expert en fêtes. Mais à voir son allure austère, il ne devait pas être personnellement très amateur de joyeuses… fiestas!