La petite histoire des mots
Chômage
Georges Pop | Notre petite Suisse s’est une nouvelle fois illustrée en 2018 par son taux de chômage plutôt modeste, à faire pâlir d’envie la plupart de nos voisins. Selon les estimations du SECO, le Secrétariat d’Etat à l’économie à Berne, le taux de chômage en Suisse pour 2018 s’est établi à 2,6% en moyenne, ce qui représente une baisse de 0,6 point de pourcentage par rapport à 2017. A titre de comparaison, en novembre 2018, le taux de chômage dans la zone euro était de 7,9%, selon Eurostat, pourtant le taux le plus faible enregistré depuis une décennie. L’étymologie du mot « chômage » est plutôt insolite. Il dérive du bas latin « caumare » qui voulait dire « se reposer lorsqu’il fait trop chaud ». Ce terme latin dérive d’ailleurs lui-même du grec «καυμα» (kauma) qui signifie « canicule » et qui désigne aussi les morsures d’une forte fièvre. Jusqu’à la révolution industrielle du 19e siècle, le verbe « chômer » (souvent écrit « chaumer ») n’était absolument pas lié à l’absence d’un emploi ou à un manque de travail. Un « jour chômé » était simplement une journée consacrée au repos et donc à la prière, l’Eglise considérant alors que le travail empêchait les fidèles de penser à Dieu. Dans sa fable « Le Savetier et le Financier », Jean de La Fontaine se plaint d’ailleurs de la surabondance de ces jours chômés encouragés par le clergé : « Le mal est que dans l’an s’entremêlent des jours ; qu’il faut chômer ; on nous ruine en fêtes : l’une fait tort à l’autre ; et monsieur le curé ; de quelque nouveau saint charge toujours son prône. » Il est intéressant de noter que seule la langue française s’est emparée de ce mot latin pour désigner « chômeur » un travailleur à la recherche d’un emploi. Les autres langues européennes définissent le chômeur comme une personne qui n’a pas de travail : « unemployed » en anglais ; « arbeitslos » en allemand ou encore « disoccupato » en italien. De nos jours, nous distinguons plusieurs formes de chômage : le « chômage naturel » est dû à l’arrivée de nouveaux demandeurs d’emplois sur le marché ; le « chômage conjoncturel » est la conséquence d’une baisse de l’activité économique d’un pays ; le « chômage structurel » est provoqué par un changement des structures économiques d’un territoire ; le « chômage technique » et le « chômage partiel » concernent les entreprises qui souffrent d’une baisse d’activité : quant au « chômage saisonnier », il ne concerne que certains secteurs de l’économie comme, par exemple, le tourisme hivernal ou estival. Pour finir sur une note caustique, citons Coluche qui a relevé avec effronterie certaines contradictions de l’esprit gaulois : « Pour qu’il y ait du chômage quelque part, il faut déjà qu’il y ait du travail. En France, il y a les deux, seulement quand il y a du travail, les travailleurs se plaignent de travailler. »