La petite histoire des mots
Faramineux

Faramineux » ! Ce terme – qui autrefois s’orthographiait « pharamineux » – n’est pas d’un usage très courant. Il a pourtant été entendu à plus d’une reprise, lors de récents débats télévisés par exemple, pour qualifier les taxes douanières imposées à la Suisse par l’imprévisible locataire de la Maison Blanche, ou encore le prix, jugé très excessif des F-35 Lightning qui doivent équiper notre armée de l’air.
Selon le contexte où il est utilisé, « faramineux » peut être synonyme de « colossal », « démesuré », « monstrueux », « stupéfiant », voire « prodigieux », etc. Le dictionnaire en donne la définition suivante : « Qui étonne par son étrangeté ou son importance. » Mais saviez-vous que cet adjectif insolite est issu du nom donné autrefois à un animal mythique, fantastique et menaçant, auquel on donnait le nom de « bête faramine » ?
A l’origine de notre histoire, on trouve le mot latin « fera » qui signifie « fauve » ou « animal sauvage ». En bas latin, ce mot s’est transformé en « feramen » pour désigner une bête farouche ou du gibier. Partant de là, c’est au Moyen-Âge, dans plusieurs régions de France, qu’apparut la légende de la « bête faramine » appelée parfois simplement « faramine ».
En Vendée, la « bête faramine » était décrite comme une créature monstrueuse, dont la forme varie selon les versions et les époques : tantôt un chien ou un loup monstrueux, tantôt un énorme oiseau, mais parfois aussi un monstre sans véritable forme… Il s’attaquait sans crier gare de préférence aux enfants, et – comme par hasard – plus particulièrement à ceux qui criaient beaucoup, faisaient des bêtises ou n’obéissaient pas à leurs parents. « Si tu n’es pas sage, la bête faramine viendra te prendre… »
En Provence, la « bête faramine » était appelée « la Tarasque ». Elle avait la forme d’un monstre à six pattes, moitié dragon, moitié bœuf, aux yeux rougis et à l’haleine fétide. La Tarasque hantait les marais de la région et se postait sur les hauteurs du rocher où était bâti le château de Tarascon pour guetter les voyageurs passant le Rhône, afin de les attaquer pour s’en repaître, semant la terreur dans toute la région.
Dans le Mâconnais, on parlait encore de cette bête légendaire au XVIIIe siècle. Selon les récits de l’époque, l’animal avait plutôt l’allure d’un gigantesque oiseaux, capable de voler d’un seul coup d’aile d’un sommet à l’autre. Certains esprits cartésiens lui avaient cependant donnée le sobriquet de « Le Peteu » et expliquaient à qui voulait l’entendre qu’il ne s’agissait en réalité que d’un gros poulet.
C’est vers le XVIe siècle que « faramine » engendra « faramineux » dans le sens « gigantesque » ou « extraordinaire ». N’est-il pas « faramineux » de songer qu’un animal surgi jadis de notre seule imagination a fini par enrichir notre vocabulaire en lui léguant un adjectif décrivant quelque chose de réel et d’immense, comme un projet fou ou une facture exorbitante ?