La petite histoire des mots
Balnéaire

Plusieurs stations balnéaires ont décidé cette année d’interdire les tenues dénudées, en maillot de bain ou en bikini, hors des plages. C’est le cas de Gallipoli, dans les Pouilles, en Italie, où les photos d’une touriste portant uniquement un bikini dans le centre historique de la cité ont soulevé une vague de protestation. C’est le cas encore dans la station balnéaire portugaise très prisée d’Albufeira, au sud du pays, qui exige au minimum le port d’un tee-shirt, d’une jupe ou d’un short pour les touristes qui souhaitent déambuler dans les rues commerçantes. Les contrevenants risquent des amendes salées, allant de quelques centaines à plus de mille euros…
Une « station balnéaire » est un lieu de séjour situé en bord de mer, ou tout autre endroit présentant des bains, et aménagé pour l’accueil des vacanciers. Le mot « balnéaire » est relativement récent puisqu’il ne s’est imposé dans notre langue qu’au XIXe siècle, d’abord dans un sens médical, puis associé aux plaisirs de la plage et de la baignade. Il a été emprunté au latin « balnearius », dérivé de « balneum » qui veut dire « bain ». « Balnéaire » signifie tout simplement « relatif aux bains ».
Le mot « station » nous vient, quant à lui, du latin « statio », dérivé du verbe « stare » qui signifie « se tenir debout », ce qui est assez cocasse pour un endroit où – lorsqu’il est associé à « balnéaire » – les vacanciers passent le plus clair de leur temps allongé sous un parasol ou à s’exposer aux rayons brûlants du soleil, au risque de se retrouver aux urgences. Mais le fait est qu’en vieux français, dès le XIIe siècle, « station » prit aussi le sens de lieu ou l’on se fixe et même d’endroit où « on reste immobile ».
Jusqu’au XVIIIe siècle, les rivages maritimes étaient considérés comme des lieux dangereux et ingrats. Ce sont les auteurs romantiques qui contribuèrent à les réhabiliter ; et ce sont les aristocrates anglais qui introduisirent la mode des bains de mer, d’abord dans un but thérapeutique. Les médecins de ce temps pensaient en effet que la « suffocation », procurée par l’immersion dans l’élément marin, ainsi que les vertus de l’eau de mer, régénéraient l’organisme et tonifiaient le métabolisme.
En Angleterre, des stations comme Brighton et Scarborough furent parmi les premières à attirer une clientèle en quête de bains de mer et d’air marin, souvent pour des raisons médicales. A partir du XIXe siècle les « stations balnéaires » touristiques commencèrent à pousser comme des champignons, sur les côtes normandes, celles de la mer du Nord, avant de s’étendre sur l’ensemble du littoral européen. L’accès aux plages et aux bains de mer se démocratisa dans les années trente, après l’introduction en France des congés payés.
Depuis, la mode du « balnéaire » entraine des migrations annuelles massives de population, ainsi que la réalisation d’immenses projets immobiliers, en bord de mer, parfois au dépens des écosystèmes et des beautés du littoral.
Terminons par ce bon mot de l’humoriste français Jean Delacour : « Le contribuable qui fait sa déclaration est un peu comme une jeune fille qui arrive sur la plage. Il commence par retirer tout ce qui est permis et, si on ne le surveille pas, il en retire encore un peu plus… »