La petite histoire des mots
Horlogerie
Georges Pop | Inaugurée en présence du conseiller fédéral Ignazio Cassis et d’un riche panel de personnalités de tous bords, la 8e biennale du patrimoine horloger de La Chaux-de-Fonds a mis en lumière, une fois de plus cette semaine, le prestige et l’importance de l’horlogerie helvétique dans la prospérité de la Suisse. Il paraît que pour beaucoup, sinon pour la plupart des étrangers, le nom de la Suisse est encore puissamment associé à celui de ses montres et au savoir-faire multiséculaire de son industrie et de ses artisans horlogers. Le mot « horloge » dont est issu « horlogerie » a une ascendance bien plus ancienne qu’on ne pourrait le croire à priori. Il nous vient du grec ώρολόγιον (hôrológion), association de ώρα (hôra), « l’heure » et de λέγω (légô) qui signifie « dire »; littéralement : « qui dit l’heure ». Chez les Grecs de l’antiquité ce mot évoquait une clepsydre, une horloge à eau qui mesure le temps par la vidange d’un récipient contenant de l’eau qui s’écoule par un petit orifice. Inventée sans doute par les Egyptiens et perfectionnée par les Grecs, la clepsydre, contrairement à une horloge, était loin d’être précise. En effet, dans une clepsydre la vitesse d’écoulement varie selon la hauteur de l’eau restante : le débit n’est donc pas constant, plus rapide au début, plus lent à la fin. Chez les Romains, la clepsydre (clepsydra en latin) prit également le nom de « horologium », logiquement emprunté au grec. Sur cette racine, le latin a même inventé l’adjectif « horologicus » que l’on pourrait traduire par « horlogique », mais le mot ne s’est curieusement jamais transmis à la langue française. En revanche on trouve le mot « oriloge » au 12e siècle pour désigner notamment les cadrans solaires ; puis « orloge » au 14e avec l’avènement de l’horlogerie mécanique surtout en Angleterre et en Suisse, « orloige » au 15e et enfin « horloge » au 16e d’où découle tout naturellement le terme « horlogerie » qui définit l’art – car c’en est un – de faire des horloges ou des montres. Le mot « montre » quant à lui dérive tout bêtement du verbe « montrer ». A l’origine, dans le jargon des horlogers, une montre désignait uniquement le cadran sur lequel évoluent les aiguilles qui indiquent les heures et les minutes. Il a fini à la longue par définir l’ensemble de l’instrument de mesure du temps que l’on porte sur soi, de préférence aujourd’hui au poignet. Avec l’avènement de l’électronique, les montres ne font plus tic-tac… Dommage ! Car, comme l’écrivit un jour Alphonse Allais : « Le tic-tac des horloges, on dirait des souris qui grignotent le temps ». L’horlogerie a aussi donné deux expressions courantes de la langue française : « être réglé comme une horloge » pour parler de quelqu’un qui est très régulier dans ses habitudes et « avoir une exactitude d’horloger » pour quelqu’un qui est très ponctuel. Cette curiosité enfin : le verbe « horloger » existe ! Il est aujourd’hui tombé en désuétude. Mais jadis, surtout en Suisse romande, dire de quelqu’un qu’il « nous horloge » revenait à dire qu’il nous ennuie, qu’il nous bassine, bref, qu’il nous emmerde…