La petite histoire des mots
Goulag

La mort de l’opposant russe Alexeï Navalny a soulevé une vague d’indignation dans les pays occidentaux, mais aussi en Russie où ses partisans ont bravé la police pour déposer des fleurs au pied des monuments post-soviétiques érigés à la mémoire de la répression de l’ère communiste. Pour de nombreux défenseurs des droits humains, l’histoire du « goulag » se répète aujourd’hui en Russie, Vladimir Poutine ayant expédié son principal rival croupir dans une « colonie pénitentiaire », située, au-delà du cercle arctique, où il a fini par succomber.
De nos jours, par extension, le mot « goulag » a fini par désigner les systèmes concentrationnaires ou répressifs des pays à régime totalitaire. A l’origine cependant, avec un « G » majuscule, il désignait l’organisme soviétique, fondé sous Staline, qui était chargé de l’administration des camps de redressement par le travail. Le terme « Goulag » est un acronyme apparu dans les années trente, formé d’après les termes russes « Glavnoïé oupravlenie laguereï » qui veulent dire « Administration principale des camps ». On parlait alors de « Camps du Goulag ».
En se basant sur les archives de l’ère soviétique, on estime que 10 à 18 millions de détenus ont séjourné dans ces camps, près de 2 millions y ayant succombé victimes de mauvais traitements, de maladies, de sous-alimentation, d’épuisement et de froid, ou exécutés sommairement par leurs gardiens. Le terme « goulag » s’est popularisé en Occident avec la parution en 1973, à Paris, du livre L’Archipel du Goulag, écrit des années plus tôt, dans le plus grand secret par le dissident soviétique Alexandre Soljenitsyne.
Bien qu’adhérent du parti communiste, il avait été condamné à une peine de huit ans de détention dans un camp de travail pénitentiaire pour avoir osé critiquer Staline. Sa chronique minutieuse du système répressionnaire soviétique, ponctué de nombreux témoignages, connut un retentissement mondial.
Officiellement, le dernier camp correctionnel de travail, appelé Perm-35, fut fermé en Russie, en 1991. Il abrite un musée de l’histoire de la répression politique et du totalitarisme en URSS. Le « goulag » de Poutine n’est évidemment pas comparable à celui de Staline et de certains de ses successeurs. L’« esprit » est néanmoins le même : éliminer ses adversaires et emprisonner ceux qui le critiquent en les expédiant dans des centres de réclusion situés en Sibérie ou au-delà du cercle polaire arctique. On estime aujourd’hui à plusieurs milliers le nombre de prisonniers politiques en Russie, parmi eux de simples citoyens dont le seul tort et d’avoir critiqué la guerre.
Terminons pas cette citation de l’écrivain français Maurice Clavel, un contemporain d’Alexandre Soljenitsyne dont il a découvert l’œuvre : « Je ne crois pas en Dieu, mais à lire le Goulag, je crois au Diable ».