La petite histoire des mots
« God Save the Queen »
Georges Pop | Symbole du Royaume-Uni, au même titre que l’Union Jack ou le lion et la licorne qui figurent sur les armoiries du royaume, le « God Save the Queen » s’est transformé en « God Save the King » après la mort de la reine Elisabeth II et l’accession au trône de son fils Charles. Ces quatre petits mots sont connus et compris de tous, y compris de celles et ceux qui ne parlent pas la langue de Shakespeare. Inutile donc de les traduire !
Ce qui est moins connu en revanche, c’est que ce chant, qui est devenu l’hymne national britannique, serait d’origine française. Bien que cette explication ne fasse de loin pas l’unanimité, notamment au Royaume-Uni, un grand nombre de chroniqueurs français affirment que les paroles du chant original de l’hymne britannique furent écrites en 1686 par la duchesse de Brinon, une religieuse mystique et une femme de lettres française. Son texte, intitulé « Grand Dieu sauve le Roi » aurait ensuite été mis en musique par le célèbre compositeur Jean-Baptiste Lully, surintendant de la musique du roi Louis XIV, le roi Soleil, et maître de musique de la famille royale. Par cet œuvre, il entendait remercier Dieu, de la guérison de son monarque qui souffrait d’une fistule anale qui menaçait sa vie. Pour espérer guérir, le roi de France devait subir une intervention chirurgicale, très risquée à l’époque. Après des mois de douleur, le souverain s’y résigna et il y survécut, malgré une infection.
Lors d’un séjour à Versailles, le compositeur allemand Georg Friedrich Haendel, alors musicien attitré du roi Georges 1er d’Angleterre, entendit ce cantique qui l’enthousiasma. Haendel aurait fait traduire les paroles, presque mot pour mot, avant de le présenter, avec succès, à son souverain et à la cour, sous le titre « God save the King ». Le cantique aurait été adopté en 1745 comme hymne non officiel du royaume. Depuis 1837, il alterne avec le « God save the Queen », lorsqu’une femme est sur le trône.
Rappelons ici que l’hymne suisse « Ô Monts indépendants », utilisé jusqu’en 1961 pour les cérémonies politiques ou militaires, avait la même mélodie que le « God save the Queen », ce qui créait des situations embarrassantes lorsque les hymnes nationaux britannique et suisse étaient joués lors des mêmes occasions, notamment sportives. C’est pourquoi l’actuelle cantique suisse fut définitivement adopté par la Confédération en 1965.
De nos jours, l’hymne britannique a encore un statut officiel dans plusieurs pays du Commonwealth, notamment en Nouvelle-Zélande où il a toujours le statut d’hymne officiel. En 1977, le groupe rock-punk Sex Pistols créa un scandale en chantant une version antimonarchique du « Good Save the Queen ». Porté par une jeunesse en révolte, le titre se hissa très vite au sommet du hitparade britannique avant d’être boycotté par les médias audio-visuels du pays. En 2001, la pochette du disque, qui représente un portrait défiguré de la reine Elisabeth II fut nommé 1re d’une liste des cent « plus grandes » pochettes d’album de tous les temps, par la presse spécialisée. Fidèle a sa posture, la reine ne fit aucun commentaire, lors de la sortie de ce titre qui prétendait que la monarchie britannique n’avait « aucun avenir » ( no future).