La petite histoire des mots – Biscuit (de Noël)
La chronique de Georges Pop
Georges Pop | Au diable la pandémie ! Oublions, un bref instant, ce maudit virus qui ne cesse de muter pour nous consacrer à la tradition gourmande des biscuits de Noël. Fraîchement sortis du four, leur fumet délicat ravive de bienfaisants souvenirs d’enfance, propres, peut-être à ranimer un certain bien-être en ces temps de restrictions sanitaires.
La coutume qui consiste à préparer ces petites pâtisseries de formes diverses pour glorifier la Nativité serait apparue au Moyen-Age, dans les pays germaniques. Elles coïnciderait avec l’introduction, après les croisades, de certaines épices, comme le gingembre ou la cannelle, ainsi que l’apparition des amandes sur les marchés d’Europe de l’Ouest.
Le mot « biscuit » serait d’ailleurs issu du français médiéval « besquis » qui désignait des petits pains cuits deux à quatre fois pour les rendre secs, afin d’assurer leur conservation. Dans l’Antiquité, les Egyptiens avaient déjà l’habitude d’ajouter des assaisonnements – des produits sucrés notamment – dans leur pâte à galette. Mais ce sont les Grecs qui ont inventé l’ancêtre du biscuit. A l’époque de Périclès, au Ve siècle av. J.-C., les boulangers athéniens préparaient des « dipyres », sortes de pains cuits deux fois. Les Romains s’emparèrent de cette technique et la répandirent dans tout leur empire. C’est ainsi que les Gaulois, par exemple, apprirent l’art de la boulange.
C’est surtout à partir du XVIe siècle que les biscuits de Noël devinrent très populaires en Europe, avec l’apparition des « lebkuchen » (pains d’épices), en Allemagne, des « bredele » (sablés) en Alsace et en Moselle, et d’autres variétés encore dans les pays nordiques et ceux du pourtour de la mer Baltique. Une centaine d’années plus tard, des colons néerlandais introduisirent la tradition des biscuits de Noël dans les colonies du Nouveau Monde.
De nos jours, cette coutume reste très vivace en Allemagne, en Autriche, en Alsace, ainsi qu’en Suisse où l’on confectionne les biscuits de Noël pendant la période de l’avent, en forme d’étoile, de sapin, de cœur, de croissant de lune, en encore de rosace. Ils sont généralement enfermés dans des boîtes hermétiques, joliment décorées, ce qui ne les met nullement à l’abri des petits accès quotidien de gloutonnerie. Chez nous, au Top 5 de la gourmandise, nous trouvons les milanais, dont les habitants de Milan, soit-dit en passant, ignorent la recette ; les étoiles à la cannelle, délicatement glacées avant le cuisson ; les savoureux miroirs à la confiture de fraise ou d’abricot ; les croissants au sucre et à la vanille, si délicatement friables qu’ils fondent en bouche, ainsi que les bruns de Bâle (brunsli) au chocolat.
Mais des biscuits « exotiques », comme les cookies américains aux pépites de chocolat et les spéculos belges, en forme de Saint-Nicolas, commencent à s’introduire sur les tables de fête et sous les sapins suisses. Pour les enfants, et même pour les adultes, les biscuits, riches d’une multitude de saveurs, sont devenus de nos jours les douceurs incontournables des goûters et des petites fringales. Que ce soit pendant la période de l’Avent, à Noël, à la Saint-Sylvestre ou tout le reste de l’année, les biscuits auront toujours un petit goût de nostalgie et d’innocence.