La petite histoire des mots
Mobilisation
Georges Pop | La loi Covid ayant trouvé grâce auprès d’une majorité de Suisses, dimanche dernier, certains porte-drapeaux du camp du « non », tout en reconnaissant leur défaite, ont appelé leurs partisans à la vigilance, ainsi qu’à la mobilisation pour s’opposer à de nouvelles décisions gouvernementales, selon eux, potentiellement « iberticides ». Etymologiquement associé aux mots « mobile » et « mobilité » et issu du verbe « mobiliser », le substantif « mobilisation » a, de nos jours, une forte connotation politique, mais aussi militaire. Pour un parti, la mobilisation est un appel à une action solidaire et concertée pour atteindre un objectif ou réaliser un projet commun. Dans le langage militaire, elle définit la mise en train d’une armée, sa préparation à la guerre par le rappel de ses réservistes et le regroupement de ses ressources. On parle alors de « mobilisation générale ». Au figuré, la mobilisation se réfère au rappel de toutes les forces physiques, psychologiques ou intellectuelles d’une personne (un sportif ou une sportive, par exemple), ou d’un groupe de personnes, pour faire face à une situation difficile, un défi ou une épreuve. Ce mot a encore bien d’autres définitions, selon son usage dans un cadre juridique ou médical, notamment. Dans le domaine financier, par exemple, la mobilisation est une technique qui permet à un investisseur, essentiellement institutionnel, ou à un établissement de crédit de se refinancer auprès d’un de ses confrères. Elle permet à une institution financière de réemprunter tout ou partie des sommes qu’elle a prêtées contre une remise de titres. Pour une entreprise, la mobilisation des créances permet de remplir sa trésorerie, en sollicitant ses débiteurs, l’escompte de ses créances auprès de sa banque ou en cédant ses factures en souffrance à une de ces sociétés de recouvrement dont les méthodes, parfois agressives, sont dénoncées par les consommateurs. Issu du latin « mobilis » qui désigne quelque chose qui est mobile et que l’on peut déplacer sans difficulté, « mobilisation » s’est imposé au XVIIIe siècle dans toute une gamme de définitions, notamment dans son acception militaire. En Suisse, la mobilisation de l’armée, lors de la Seconde Guerre mondiale, est entrée dans l’histoire sous le diminutif de « la Mob’ ». Le 2 septembre 1939, tous les Suisses astreints au service militaire furent appelés sous les drapeaux. Ils furent plus de 400’000 dans un premier temps, mais les effectifs montèrent jusqu’à 800’000 hommes au plus fort de la guerre, hors des frontières helvétiques. A l’époque, tous les moyens disponibles furent « mobilisés » pour faire circuler cet ordre jusque dans les vallées les plus reculées : radio, télégraphe, téléphone, courrier, affiches, tocsin et même crieurs publics. Pour en revenir à la politique, il est intéressant de relever ce constat du centriste français François Bayrou, selon qui « les raisons de dire ‘non’ sont toujours plus mobilisatrices que celles de dire ‘oui’ ». En guise de conclusion, retenons peut-être ce bon conseil de l’illustrateur Jacques Rouxel, créateur dans les années soixante des « Shadocks », personnages qui l’ont rendu célèbre : « Il vaut mieux mobiliser son intelligence sur des conneries, que mobiliser sa connerie sur des choses intelligentes ».


