La petite histoire des mots
Camion

Georges Pop | La semaine dernière, un accident spectaculaire impliquant un camion a défrayé la chronique pour avoir semé le chaos sur l’autoroute entre Genève et Lausanne. Le poids lourd s’est couché en travers de la chaussée, libérant son lourd chargement de déchets sur les voies de circulation. Il a fallu une bonne partie de la journée aux services autoroutiers pour dégager l’épave et les débris, afin de rétablir le trafic. L’origine du mot « camion » reste assez mystérieuse. Le fait est que ce substantif n’apparaît dans le dictionnaire de l’Académie française que dans son édition de 1835. Pourtant, depuis le Moyen-Age, ce terme, sous la forme « camion » ou « chamion », existait déjà dans les patois normand et picard ainsi que, plus rarement il est vrai, dans la langue française, pour désigner une petite charrette ou un haquet, ordinairement tirés par un cheval ou par des hommes. Au XVIe siècle, ces charretiers étaient d’ailleurs déjà appelés « camion (n) eurs ». A la même époque, à Paris, le terme « camion » désignait une sorte de traineau dans lequel les vinaigriers de la cité traînaient leur lie. Reste que les linguistes se perdent en conjectures sur l’origine de ce mot devenu si banal de nos jours. Certains penchent pour un apparentement à l’espagnol « camino » qui signifie « chemin », issu du latin tardif « cammïnus », lui-même emprunté à un terme celte qui avait le même sens. D’autres voient dans « camion » un descendant du latin « chamulcus », emprunté au grec « khamoulkós », terme qui nommait une machine, ou un chariot bas destiné au transport des charges les plus lourdes ou, dans certains cas, de la farine. Au milieu du XVIIIe siècle, bien que non reconnu par l’Académie, « camion » désignait déjà une voiture hippomobile, montée sur quatre roues, destinée au transport de lourdes charges. L’apparition de la traction motorisée finit par donner à ce terme la définition que nous lui connaissons désormais : un véhicule terrestre automobile équipé d’un, deux ou trois essieux directeurs, ainsi que de un à trois essieux porteurs conçu pour convoyer des marchandises. L’histoire des transports attribue à l’Allemand Gottlieb Daimler l’invention du premier camion moderne, en 1896. Avant lui, en 1879, le Français Amédée Bollée avait sorti de ses ateliers une série de trains routiers à vapeur de 100 chevaux et d’une capacité de 100 tonnes, considérés comme les premiers véhicules à moteur de transport de marchandises sur route. C’est d’ailleurs à cette époque qu’est apparue l’étrange expression « beau (ou belle) comme un camion » qui, à l’origine, n’avait rien d’ironique. Cette expression exposait bien un compliment et voulait bien dire gracieux et très beau. Dans le sens initial de cette expression, le mot « camion », et la taille qui lui est associée, était utilisé pour affirmer l’importance de l’adjectif « beau ». Terminons sur cette citation de l’auteure et dramaturge irlando-américaine Jean Kerr : « Divorcer, s’est comme être renversé par un camion. Si on en réchappe, on regarde bien à gauche et à droite avant de s’engager à nouveau ». Paradoxalement, Jean Kerr a connu un mariage heureux. Elle et son mari eurent six enfants et vécurent ensemble en harmonie jusqu’à ce que la mort les sépare.