La petite histoire des mots
Infirmier.ère

Georges Pop | Le 28 novembre prochain, les citoyennes et les citoyens suisses sont appelés à se prononcer sur l’initiative dite « pour des soins infirmiers forts ». Le texte demande une réglementation constitutionnelle des conditions de travail, de la rémunération, du développement professionnel et des pratiques de facturation des soins infirmiers. Les substantifs « infirmier » et « infirmière », apparentés au mot « infirme » sont issus du vieux français « enfermier » qui est avéré dès la toute fin du XIVe siècle. Il est dérivé du latin « infirmus » qui désigne une personne faible qui n’est pas « ferme », au moral comme au physique. A la fin du Moyen-Âge, le terme « enfermerie » désignait l’état d’un malade ou d’un infirme, mais aussi le lieu qui hébergeait les estropiés et les plus démunis. La profession a d’abord vu le jour dans un cadre religieux, les sœurs de diverses congrégations dispensant bénévolement des soins dans des hospices administrés pas l’Eglise. Figure du renouveau spirituel et apostolique du catholicisme français, Saint Vincent de Paul, fonda en 1633 la compagnie des filles de la charité, consacrée au service des malades, ainsi qu’au soutien spirituel des pauvres. La co-fondatrice de cette compagnie, Marguerite Naseau, était une ancienne vachère qui, depuis sa jeunesse, se consacrait à l’alphabétisation des petites filles. La compagnie des filles de la charité existe toujours. Elle fut la première congrégation féminine dispensée de la règle de la claustration. Son monastère était la cellule des malades et son cloître les rues de la ville ou les salles des hôpitaux. En France, puis dans les autres pays européens, ce n’est qu’à partir du milieu du XIXe siècle que le métier d’infirmière et son nom furent officiellement adoptés, en même temps que furent créées les premières écoles laïques de soins infirmiers, en Suisse, en Angleterre, puis en France. Située à Lausanne, l’école La Source, créée en 1859, est la première à avoir été fondée dans le monde. Le rôle que les infirmières jouèrent lors de la première guerre mondiale, entre 1914 et 1918, leur conféra un vrai statut social dans le domaine de la santé. Jusqu’à un passé relativement récent, les hommes, bien que toujours présents dans la profession, étaient jugés peu aptes aux soins infirmiers. Le corps médical a longtemps estimé que si la médecine appartenait aux hommes, la fonction de soignante et celle de garde-malade, étaient d’abord l’affaire des femmes « conçues » pour la maternité. De plus, les médecins se sont longtemps méfiés de la concurrence des infirmières. Selon une directive de la fin du XIXe siècle, « elles ne doivent être que les servantes des médecins et sont au médecin ce que le cuisinier est à son maître ». De nos jours, il est reconnu que la profession exige de solides compétences professionnelles, mais aussi des qualités humaines, afin de soigner et de rassurer les patients. Pour conclure sur une note plus triviale, on peut relever que dans un récent sondage réalisé par un site de rencontre français, trois hommes sur dix avouent que le fantasme de l’infirmière est celui qui les excite le plus. Selon le psychanalyste Alain Héril, derrière ce fantasme se profilent les désirs d’être pris en charge comme un enfant ; d’avoir une position passive dans sa sexualité ; d’être materné et d’avoir une femme sans désir propre, puisqu’essentiellement tournée vers le sien.


