La petite histoire des mots
Secrétaire
Georges Pop | Les négociations ont repris, en ce début d’année, entre l’Union européenne et la Suisse, pour tenter de parvenir à un accord-cadre, censé rafraîchir les traités bilatéraux conclus entre Berne et Bruxelles. Cette mission délicate, source de divisions en Suisse, a été confiée à une Zurichoise, la secrétaire d’Etat Livia Leu Agosti. La fonction de secrétaire d’Etat n’est pas toujours bien identifiée car elle change d’un pays à l’autre. Aux Etats-Unis, les ministres portent tous le titre de « secrétaire » et la fonction de secrétaire d’Etat correspond à celle de ministre des affaires étrangères. En France ou en Belgique, un ou une secrétaire d’Etat est membre du gouvernement à part entière, au dernier échelon de hiérarchie ministérielle. En Suisse, en revanche, le poste n’est pas gouvernemental. Il est attribué à un haut, ou dans le cas qui nous occupe, à une haute fonctionnaire. Autre source de confusion sur «secrétaire»: dans les sociétés encore très patriarcales, sinon sexistes, qui sont les nôtres, trop souvent, le mot « secrétaire » est associé à une personne de sexe féminin, employée par un patron mâle et dominant, pour classer sa paperasse et gérer ses rendez-vous. Qu’il soit prestigieux ou discret, il n’en demeure pas moins qu’un poste de secrétaire est intimement lié au secret ! Le mot « secrétaire » nous vient en effet du latin « secretarium » qui désignait chez les Romains un endroit discret, ou caché, où l’on conservait des secrets ou des trésors. A partir de la fin de Moyen-Âge, dans la langue française, le terme prit plusieurs définitions : celle d’un confident ; celle d’une personne de confiance à qui l’on pouvait confier la rédaction de son courrier, sans risque de fuites, puis celle d’un petit meuble destiné à la rédaction de sa correspondance, muni d’un ou plusieurs tiroirs que l’on pouvait fermer à clé pour y mettre à l’abri ses documents intimes ou confidentiels. De nos jours, le terme est prioritairement attribué à une personne qui s’occupe de l’organisation et du bon fonctionnement d’un organisme privé ou public. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’allemand a emprunté ce mot au français : dans la langue de Goethe « secrétaire » se dit « Sekretär », au masculin, et « Sekretärin », au féminin. Dans notre langue, le mot s’est gratifié d’ajouts, selon la fonction qu’il définit. Outre les secrétaires d’Etat et les secrétaires « tout court », il existe des secrétaires généraux, communaux, syndicaux, de rédaction, parlementaires, de direction, etc. Toutes et tous ont, théoriquement, un point commun: ce sont des personnes de confiance qui détiennent les secrets des entreprises où des institutions qui les emploient. Il est d’ailleurs cocasse de relever que, phonétiquement, dans « secrétaire », on trouve à la fois « secret » et « taire ». En guise de conclusion, citons le sage romancier chinois Jiang Zilong. Dans son livre « La Vie aux mille couleurs », il a écrit : « Un bon secrétaire doit être capable d’entendre sans écouter, de regarder sans voir », avant d’ajouter : « Les directeurs dirigent l’usine, mais les secrétaires dirigent les directeurs ».