La chronique du petit entrepreneur
Que reste-t-il de Paris ?
Lucien Meylan | M’a demandé ma maman dimanche passé à midi alors que je rentrais d’une semaine de télétravail dans la ville lumière. Déjà ça… Une semaine de télétravail à Paris. Si ce n’est pas une anecdote de trentenaire, sans enfant, qui vit au-dessus de ses moyens. Mais oui, aujourd’hui, nos boulots de « communicant » indépendant nous permettent de travailler depuis n’importe où. Certains·es en ont même fait leur leitmotiv – les digital nomades.
Le principe est simple : avoir des clients en Suisse qui paient des services avec une gentille ristourne et de la couler douce au Costa Rica ou à Bali, ça dépend si vous aimez l’eau claire ou turquoise, la mangue ou la goyave. Enfin bref, le rêve. Pas de loyer exorbitant, très peu de charges pour vivre, juste un ordinateur pour créer un site web, dessiner un logo ou gérer les réseaux sociaux de petites PME romandes qui nous envoient leurs photos de chantiers et leur détresse numérique. Quelques appels sur Whatsapp ou sur Teams tôt le matin ou tard le soir, et le tour est joué ! Un peu d’impôt quand même, pas de TVA et une assurance maladie au rabais. Oui jeunes gens, l’espoir international est à quelques clics. Mais attention à ne pas se retrouver bredouille après quelques semaines.
Cependant, le télétravail à l’étranger, c’est plus officiel. On annonce aux collègues, on ne planifie pas de rendez-vous et on ne met pas de message d’absence. Dans certaines boîtes modernes, c’est même prévu dans le contrat de travail. Alors vous me direz : pourquoi Paris ? Parce que ça reste la ville des fantasmes, des opportunités, de la culture et de la vie. Mais aussi parce que c’est à portée de train. Seulement quatre heures de TGV depuis Lausanne et vingt minutes de métro pour se retrouver place Trocadéro, face à la Tour Eiffel. Ah la Tour Eiffel ! Un tas de ferraille couleur cuivre à 16h et à 22h, en sortant du théâtre (oui parce qu’à Paris, nous allons au théâtre), c’est l’illumination, la révélation, l’apothéose burlesque de l’existence.
Paris, c’est grimper Montmartre avec un café à la main, un magazine sous le bras et oser penser que nous sommes encore libres. Paris, c’est longer la Seine et s’ébaillir devant la folie d’anciens rois et empereurs qui ont construit des palais pour que leur (s) femme (s) leur foute (nt) la paix, bâti des monuments parce qu’ils avaient dégommé une armée de vingt mille hommes une année auparavant ou transformé le Louvre en musée parce que « Anne, qu’est-ce qu’on va foutre de tous ces tableaux qu’on a volés ? ». Mais mon préféré, c’est l’Hôtel des Invalides qui était en réalité une sorte d’EMS géant pour les anciens soldats ou les blessés « invalides ». Et je vous passe les expositions universelles où les mecs se sont notamment dit « On va construire un Grand Palais, à côté des autres palais, pour démontrer notre génie industriel – Ben oui Philippe, on le laisse après, on ne va pas le démonter, t’es con ou quoi ».
Ne me remerciez pas pour le cours d’histoire. Néanmoins, lorsqu’on prend un peu de recul, on se rend compte que les grands monuments de Paris ont majortairement été construits, il y a des centaines d’années, par des mecs beaucoup trop riches, sans doute à moitié tarés, ou par des volontés politiques extravagantes et disproportionnées. Nous sommes très loin de la transition énergétique et d’un préavis favorable du Grand Conseil pour avoir le droit de changer une fenêtre mais nous parlerons de la politique vaudoise une prochaine fois. Pourtant, Paris reste magique, mystique et indétrônable. Pour son métro légendaire, pour ses bistrots chaleureux, pour sa gastronomie aérienne. Nous pouvons traiter les Parisiens de chauvins mais nous ne pourrons jamais leur enlever leur audace et leur génie.
Alors si Paris vous manque, retournez-y. Si vous n’y êtes jamais allés·es, foncez-y ! Ce que je préfère dans la capitale française, c’est l’ouverture à la culture. C’est d’ailleurs à Paris que sont nées les premières « revues », phénomènes d’humour, de danses et de chansons. Une fois par année, le Gros-de-Vaud nous offre une note parisienne lors de la Revue de Thierrens qui débutera le 14 novembre. Une salle en ébullition, une ambiance survoltée, 7000 spectateurs·trices en seulement 14 représentations. Là aussi, foncez-y et dites à Bouillon que vous venez de ma part.


  