« Je suis là pour vous dire non et pour mourir », jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour rester fidèles à nos convictions ?

« Antigone » de Jean Anouilh
Par Justine Sonnay
La rentrée a eu lieu il y a déjà quelques semaines et c’est l’occasion pour moi de vous remémorer la tragédie magistrale que vous avez certainement dû lire au cours de vos jeunes années d’école et que vos enfants étudient encore de nos jours.
Cette histoire est celle d’une jeune femme prête à mourir pour suivre ses convictions et rester fidèle à ses valeurs, et c’est également celle d’un roi tiraillé entre ses sentiments personnels et son devoir. Vous l’aurez deviné, il s’agit bien de la tragédie grecque Antigone réinterprétée par Jean Anouilh en 1944, et écrite initialement en 441 av. J.-C. par Sophocle. Dans cette réinterprétation datant de l’Occupation allemande, l’écrivain nous expose, dans une écriture accessible à toutes et à tous, le conflit entre la morale et les convictions personnelles de l’individu, représentés par Antigone, et le pouvoir autoritaire et l’obéissance aux lois représentés par Créon.
L’histoire prend forme avant que les rideaux ne s’ouvrent. La mythologie nous narre qu’Œdipe ayant quitté la ville de Thèbes, se sont à ses fils Etéocle et Polynice de se partager le pouvoir un an sur deux. Cependant, après la première année, Etéocle refuse d’abdiquer en laissant le pouvoir à son frère et ils finissent par s’entretuer lors d’un duel. Leur oncle Créon est alors nommé comme nouveau roi de Thèbes et décide de donner une sépulture uniquement à Etéocle, jugeant Polynice de traitre. C’est ainsi que s’amorce la rébellion de la courageuse Antigone qui, malgré l’interdiction formelle par Créon et l’ordre d’exécution à mort en cas de désobéissance, tente d’enterrer son frère. Le riche dialogue entre Antigone et Créon, après les tentatives de celle-ci, fait ressortir toutes sortes de dilemmes et de questionnements dans ce contexte historique de guerre, mais se sont surtout des problématiques intemporelles auxquelles tout un chacun est confronté quotidiennement.
En effet, dans son œuvre, Jean Anouilh explore le conflit interne qu’ont les individus, à choisir entre suivre les ordres et rester dans les cases que la société et ses lois nous imposent ou, au contraire, se battre pour ses convictions et ne surtout pas compromettre ses valeurs personnelles.
Notre époque, marquée par de nouveaux mouvements révolutionnaires, prônerait de manière instinctive qu’il faut se battre pour les causes qui nous touchent et pour les injustices. Le personnage d’Antigone est un brillant exemple à suivre de courage et de détermination inébranlable pour ses convictions. Cependant, ce qui fait de cette tragédie un chef d’œuvre, de mon point de vue, est le fait que l’auteur expose également les risques et les sacrifices, la mort pour Antigone par exemple, présents lorsque nous suivons obstinément et de manière intransigeante nos idées. L’oncle d’Antigone, Créon, illustre une position moins extrême. Ce roi fait face à un gros dilemme, celui de suivre son devoir et de montrer au peuple son autorité en exécutant celui qui tentera d’enterrer Polynice ou celui de laisser en vie Antigone en suivant son cœur et son amour familial. Il tente néanmoins, dans la discussion avec Antigone, de trouver des compromis entre les deux et montre la nécessité de rester flexible et de réfléchir sur l’impact de nos actions.
Ainsi, l’œuvre Antigone, que j’ai eu la chance de découvrir également il y a quelques années à l’école s’affirme, selon moi, comme un très bel exemple de détermination pour la jeunesse qui aspire à toujours faire le maximum de ce qui est en son pouvoir pour atteindre ses objectifs tout en comprenant la nécessité de certains compromis. Cette pièce, aussi abordable à lire que puissante et symbolique, a fait de l’œuvre de Jean Anouilh un classique qui je l’espère, continuera de se balader dans les sacs à dos des collégiens durant bien des années encore.