Ironique internationale: ni démocratie ni technocratie – la troisième voie qui n’existe pas !
Laurent Vinatier | Effrayante démocratie, qui a encore frappé le 23 juin dernier au Royaume-Uni. Le peuple, du moins sa majorité, a parlé et le bilan est lourd: dislocation britannique et désaveu européen, en un seul jeudi. Peu de temps avant, la même majorité populaire, cette fois-ci en Autriche, a failli donner à l’extrême-droite les rênes du pays; finalement, l’élection jugée trop litigieuse sera rejouée: tous les espoirs sont donc permis. En Pologne et en Hongrie, ces forces-là sont déjà au pouvoir. En France, si ce n’est en 2017, Marine Le Pen pourrait l’emporter en 2022. Par chez nous, d’aucuns diront que la décision d’instaurer des quotas n’était pas la meilleure qui soit. On se souviendra aussi, avec un brin de provocation, qu’en 1933 un parti peu enclin à la tolérance n’a pas volé sa victoire. Enfin, pour aller plus loin: Galilée, si le peuple avait pu voter, n’aurait pas été sauvé (la terre étant plate pour la plupart).
L’envers de la démocratie n’est guère plus reluisant. L’autocratie, si répandue au sud et à l’est de l’Europe, fait peu de cas du libre arbitre. Dans ses formes les plus terribles, il s’agit même d’abolir toute pluralité et de punir par la mort ceux qui ne se soumettraient pas. Dans ses versions plus modérées, sur notre continent par exemple, la technocratie européenne, froide et déconnectée, a laissé se développer des sociétés à deux ou trois vitesses que certaines nations ne peuvent plus assumer. Les parangons de cette noblesse élitaire sont, certainement, les banques et agences de notation, qui ont fini par imposer aux pays des conditions discutées entre eux, souvent à l’heure du déjeuner. Par un simple e-mail informant un ministère des finances que la note de la dette sera dégradée demain matin, la stabilité économique et financière de milliers de personnes est remise en cause.
Rassurons-nous, temporairement : il existe une troisième voie que les Européens, principalement les Anglais d’ailleurs, ont inventée au tournant du 18e siècle et appelée la représentation démocratique. Les peuples étant peu recommandables, il a été jugé bon de déléguer le détail des votes à des assemblées élues et composées précisément de cette noblesse, plus ou moins intellectuelle. Cela dit, croire aujourd’hui que le système représentatif a de beaux jours devant lui serait présomptueux et naïf. Il semble que l’on ait atteint les limites de l’idée. Nos gens désormais veulent s’exprimer directement. S’ils peuvent voter à la télé sur des questions aussi essentielles qu’une belle prestation chantée ou une belle réussite pâtissière, ils ne voient pas pourquoi ils ne pourraient pas le faire aussi sur la moindre question jusque-là dévolue au Parlement. Face à la démagogie populiste qui arrive, la réaction élitaire et technocratique ne devrait pas se faire attendre. Il y aura des blessés.