iel ou je ?
Les minorités neutres ne le sont plus. Elles militent pour une reconnaissance par toutes et tous. Cela va de l’apparition du pronom « iel » dans le Petit Robert jusqu’à la création de toilettes non genrées à l’EPFL. Dans l’usage quotidien, ce pronom neutre n’est pas encore d’usage courant. Seul son utilisation généralisée, codifiée et quotidienne lui permettra de trouver une place dans notre langue.
Le néologisme « iel » pose deux questions : celle de l’écriture inclusive comme corollaire « naturel » du pronom neutre, et plus loin, celle de la création d’un genre neutre dans la langue générale, le « das » germanique.
Dans le premier cas, la question de l’accord de l’adjectif avec le sujet neutre impose la neutralisation du genre dans la phrase par l’usage de points médians. Paradoxalement, il nous impose d’utiliser les deux : « iel est heureu•x•se ». Une complication bien fâcheuse et mal lisible, si l’on s’en réfère aux linguistes qui prônent une langue simple, accessible et praticable par toutes et tous. Une question de communication.
Le second cas est bien plus complexe, il implique de réintroduire le neutre dans la syntaxe française. Historiquement, le neutre latin, qui désignait habituellement les objets et les esclaves, avait disparu au profit des deux genres. Les langues romanes issues du latin « vulgaire » ont conduit au français actuel qui use des deux genres. Le retour à une langue incluant un genre neutre ne serait pas sans écueils. Une langue dite vivante ne souffre d’aucun décret, c’est dans son utilisation que la langue vit et évolue.
Une dernière question se pose. Les minorités qui sortent du bois, le font parfois de manière risible, voire ridicule. Tenir compte de leur malaise psychologique est nécessaire, notre langue est assez riche pour les inclure mais pas au prix de décréter que leur «je» oblitère les «ils» et «elles» usuels. En Histoire, et pour rappel, lorsqu’une minorité décide et décrète, les Nations ne se relèvent jamais tout à fait.
Arvid Ellefsplass, rédacteur en chef