Giuseppe Dallera, dit Joseph, est une figure bien connue à Epesses
Tous les anciens l’ont vu longtemps tenir sa cave, et s’y sont abondamment rendus. Cinq présidents de la Confédération lui ont fait l’honneur d’une visite, dont Jean-Pascal Delamuraz. Sa cave lui sert aussi d’atelier de menuiserie, sa formation initiale. C’est là qu’il a créé des tables et toutes sortes de meubles. Mais une vie ne se résume pas à une cave.
Né le 28 septembre 1933 à Brescia en Italie, Joseph est arrivé en Suisse à l’âge de 20 ans pour ne pas devoir accomplir son service militaire comme soldat dans une armée fasciste. Il se souvient n’avoir eu à Brigue qu’une thune en poche. C’est là que, pour tuer le temps, il a appris à fumer, d’abord des Boston assez légères qu’il a rapidement troquées contre des Gauloises qu’il allumait sur les cendres de la précédente.
Il s’est rapidement trouvé un emploi comme commis chez un paysan à Vuibroye. Puis il a travaillé comme chauffeur durant 40 ans chez Patrick Fonjallaz, vigneron réputé d’Epesses, la SA comme on l’appelle ici. Il montre avec fierté la montre en or qu’il a reçue pour ses vingt ans d’activité. Un témoignage de distinction pour les 30 ans est accroché au mur du corridor.
L’ancien camion de livraison Saurer qu’il conduisait se repose aujourd’hui au Musée des Transports. Dans les belles années, Joseph a livré au volant de ce camion trois millions de litres de vin par an, et l’a mené à 1’020’000 kilomètres avant de le voir partir glorieusement pour Lucerne.
Maria, son épouse, est à ses côtés, ainsi que sa fille Corinne. Il a rencontré Maria à Epesses alors qu’elle y livrait des lapins de la ferme familiale, à ses heures perdues. Ils se sont mariés en 1982 en la chapelle de Bahyse. C’est donc l’an dernier que les deux époux ont fêté leurs 40 ans de mariage. Cette union lui a d’ailleurs valu l’excommunication de l’Eglise catholique puisque Maria est protestante.
Les autorités de Bourg-en-Lavaux étaient présentes ce jeudi 28 septembre du jour anniversaire. Venu sans l’encombrant fauteuil traditionnel, Jean-René Gaillard, municipal des Domaines et de la Voirie, a transmis à l’alerte nonagénaire les vœux et les félicitations de la municipalité et lui a remis un présent fortement apprécié. Accompagné de l’huissier Pierre-Alain Genton, le municipal a souligné dans son allocution que l’arrivée de Joseph à Epesses, alors une commune, remontait au 3 avril 1960.
Puis on a levé bien haut nos verres et l’on a trinqué. Ce qui maintient Joseph en excellente santé ? Le Calamin, évidemment, mais aussi les nombreux escaliers qui remplissent l’ancienne maison, qu’il ne rechigne pas à monter et descendre plusieurs fois par jour.
Sans s’y attarder, il évoque des passages de vie. C’est vrai que le Caveau des Vignerons d’Epesses était le premier, ouvert en 1964 pour l’Exposition nationale. Un autre lui a succédé en la Maison du Vigneron. L’actuel se trouve sur la Place. C’est toujours aussi vrai que Joseph, comme beaucoup d’anciens, a vécu de nombreuses transitions. Il y a encore peu, une trentaine de pressoirs nécessitaient la fermeture de la route de la Corniche, dans un sens et durant les vendanges. Il n’en reste qu’une dizaine. S’y sont ajoutés des embouteillages inversement proportionnels.
Beaucoup de souvenirs occupent ses souvenirs et sa conversation. Il se souvient entre autres d’une altercation avec le vigneron André Rouge au sujet de places de parc squattées par André durant les vendanges. Celui-ci l’a menacé d’un retour en Italie via le Simplon. Et Joseph de répondre que de place Rouge, il n’en connaissait qu’une, à Moscou. D’autres épisodes lui ont valu le surnom, avec deux compagnons, de mousquetaire.
L’anniversaire s’est poursuivi en famille dans un restaurant de la commune, et le lendemain avec des voisins venus en bons amis.
Dix nonagénaires habitent la commune de Bourg-en-Lavaux, ainsi qu’un centenaire. C’est avec la santé tout le bien qu’on peut souhaiter à Joseph.
Santé donc ! Et longue vie !