Gala d’humour au café-théâtre Barnabé
Qui est-ce qui pourrait sauver l’humour ?
Si l’on considère parfois le théâtre et les arts vivants comme des secteurs en crise, il semble qu’une partie d’eux ne le soit pas vraiment tant que ça. L’intérêt pour le stand-up, par exemple, ne cesse de croître depuis quelques années, tout comme le nombre d’humoristes en herbe qui osent se lancer seul-e-s sur les planches, au risque parfois que l’on se demande : qu’est-ce qui, en définitive, les différencie les uns des autres ?
Il n’est qu’à voir l’enchaînement des performances dans des festivals comme le Montreux Comedy pour parfois se demander si une telle pléthore de rigolos ne finit pas un peu par lasser. Il est vrai que les ressorts comiques sont bien souvent les mêmes, que les gags se suivent et se ressemblent et que le poncif du ou de la stand-upper qui raconte sa vie pendant une heure et demie a parfois de quoi lasser. Paraphrasons Balavoine et osons la question: qui est-ce qui pourrait sauver l’humour ?
Ces vendredi et samedi 16 et 17 décembre, le café-théâtre Barnabé s’est permis de nous proposer un éventail de réponses à travers le gala de six humoristes vaudois, tous issus de la boîte de production Jokers Comedy, qui gère les intérêts de nombreux artistes romands. Six propositions somme toute assez diffé-rentes, mais qui donnent une idée de l’éventail des styles de la scène comique romande. Petit tour d’horizon des artistes présents à retrouver pour la plupart à Nouvel An à la salle Métropole de
Lausanne et durant toute l’année 2023 sur les scènes vaudoises.

Pierric Tenthorey
Il semble que la magie vit une nouvelle ère en ce début de XXIe siècle. Là où pendant des années, l’illusionniste se créait bien souvent un personnage bonimenteur, parfois mystérieux, mais bien souvent sérieux, une nouvelle génération de magiciens s’approprie peu à peu les codes du one-man-show pour créer un spectacle d’un tout autre acabit. Pierric Tenthorey, de même que Julien Sonjon, autre artiste estampillé Jokers Comedy, se fond totalement dans cette nouvelle vague, en incarnant un personnage blasé, souvent à côté de ses pompes, qui, comme Monsieur Jourdain découvrant sa prose, semble parfois étonné de se découvrir magicien. Un audacieux mélange d’illusion, de désinvolture et de corporalité.

Blaise Bersinger
On ne présente bientôt plus l’un des chefs de file de cette nouvelle génération d’humoristes romands. Blaise Bersinger a un style tout à lui, capable qu’il est de mettre en scène des situations à la fois suffisamment absurdes pour ne pas être réelles et trop réelles pour ne pas être absurdes. Croisement parfois osé entre François Pérusse et l’émission Strip-Tease, ses sketchs savent parler des petites gens et de leurs petites misères avec une drôlerie féroce.

Sandrine Viglino
Face aux générations montantes, il y a ceux qui se plient et ceux qui se révoltent. Sandrine Viglino est de ceux qui s’intègrent. Dans un gala comme celui de ce week-end,
elle prend une place que les autres laissent vacante : celle du quotidien très quotidien. Une façon bien à elle de conter les petits malheurs de la vie de tous les jours que la comédienne et musicienne aime à illustrer guitare à la main.

Forma
Nouvelle venue dans les rangs de Jokers Comedy, ancienne élève de l’EJMA à Lausanne, FORMA joue de ses contradictions. Derrière un grand sourire et une voix mélodique, elle a le chic pour placer derrière son synthé, quelques paroles doucement féroces. Sautant bien souvent du coq à l’âne, elle parvient en quelques minutes à nous pondre une chanson sur sa détestation des enfants, une autre sur les plans à trois et une dernière sur la dure vie des salades.

Thomas Wiesel
La nature a horreur du vide et Thomas Wiesel aussi. Installé depuis quelque temps sur la scène francophone, le comique vaudois semble être parfois inarrêtable. Lui aussi capable
de grands écarts thématiques, il suffit parfois de tourner la tête un instant pour passer de la coloscopie à l’inexistence de feux rouges dans le canton du Jura. Portant le cynisme en étendard, sa prose ininterrompue colle tant à l’actualité récente qu’au lieu qui l’accueille, si bien que le public se voit gratifié d’un spectacle personnalisé.

Marie-Thérèse Porchet
Il y a entre Joseph Gorgoni et Marie-Thérèse Porchet une histoire qui fait parfois penser à celle de Frédéric Dard et de San-Antonio. Un personnage si bien dessiné et tellement adopté par son public qu’il en fait parfois oublier celui qui l’incarne. Marie-Thérèse a, pour bien des gens, un côté sécuritaire et rassurant. Même si l’on sait plus ou moins à quoi s’attendre, la mayonnaise prend toujours et l’on suit volontiers les aventures de cette mégère pas vraiment apprivoisée.