Forel-Savigny-Servion – Quels scénarios en cas de pénurie
Pour répondre aux préoccupations liées à la situation énergétique, les autorités municipales ont mis sur pied une soirée citoyenne. L’occasion de présenter les démarches communales et les scénarios en cas de délestage.
C’est un Forum de Savigny bondé et chauffé à 19 degrés qui a reçu plus de 200 curieux. La preuve par l’exemple que la menace d’une pénurie d’énergie dès janvier inquiète. Au menu de ce rassemblement : actions dans le trio de communes et explications du gestionnaire du réseau de distribution d’énergie (GRD) en cas de situation extrême.
Situation actuelle
Si l’automne a mis du temps à s’installer dans nos contrées, l’hiver semble plus précoce. D’après les dernières statistiques, les soudaines baisses de température n’aggravent pas encore le contexte énergétique : « Pour l’heure, la situation est au vert », rassure Chantal Weidmann Yenny, syndique de Savigny. Les températures, mais aussi les pluies influencent la production helvétique, puisque l’électricité indigène provient majoritairement des centrales hydroélectriques : « La sécheresse de cet été a diminué la hauteur des lacs de barrage en montagne », indique Julie Denis, collaboratrice de Romande Energie.
« On parle bien d’interdiction, il est donc possible d’être amendé en cas de non-respect de cette mesure ».
Chantal Weidmann Yenny, syndique de Savigny
En hiver, la Suisse doit importer 40 % de son électricité. Résultat des courses, les GRD doivent se fournir sur le marché européen, où les prix atteignent des niveaux records et une volatilité rarement observée. Toujours hors de nos frontières, la production électrique est limitée : « 32 des 56 réacteurs nucléaires français sont à l’arrêt en raison de problèmes techniques comme de la corrosion dans les conduites », renseigne Médias Suisses dans son communiqué du 4 novembre. Ce n’est un secret pour personne, mais la situation géopolitique complexifie l’approvisionnement en gaz vers l’Europe : « On parle souvent de l’électricité, mais il s’agit bien de toutes les énergies », rappelle Philippe Corboz, responsable de projets en énergies renouvelables à la Romande Energie.
Se préparer au pire
Tandis que le scénario du coup de la panne (black-out) semble écarté pour cet hiver, les communes suisses se préparent néanmoins au pire : « Peu importe l’évolution de la situation (…), nous devons être prêts aux contingentements », communique Jérôme Oberson, municipal en charge des constructions à Servion. Sous l’impulsion de la Confédération, du canton et des préfectures, les communes vaudoises ont élaboré un panel de mesures si l’effort commun n’est pas suffisant : « Au cas où nous n’arrivons pas à économiser suffisamment d’énergie, le plan OSTRAL rentrera en action », relève la syndique de Savigny. Cette deuxième étape consiste à interdire l’utilisation d’appareils non essentiels. « On parle bien d’interdiction, il est donc possible d’être amendé en cas de non-respect de cette mesure ».
« Nous pouvons assurer l’accès à l’eau de notre population de manière gravitationnelle ».
Olivier Auberson, municipal des eaux à Servion
Si la pénurie perdure, le plan OSTRAL prévoit d’interrompre l’approvisionnement en électricité des gros consommateurs (100’000kW/h par année). « En fonction de la situation, le plan OSTRAL débutera dès janvier pour une durée de 12 semaines », indique Chantal Weidmann Yenny. « 70 % de l’électricité sera disponible ». Cet échelon de contingentement, l’avant-dernier du plan fédéral, concerne également la distribution de gaz, puisque les consommateurs de plus de 1’000’000kW/h devront s’adapter pour diminuer leurs besoins : « Le niveau des stocks de gaz en Europe s’élève presque à 90 % malgré la guerre qui complique son acheminement vers le nord du continent », précise la syndique. « Une quantité normale pour l’heure, grâce aux importations de gaz naturel liquéfié et à l’augmentation de la production norvégienne ».
Le dernier niveau d’OSTRAL impacte tout le pays, puisqu’il s’agit bien d’interruptions où toutes les régions de Suisse subiront des coupures d’électricité de 4 heures par intermittence afin de soulager le réseau helvétique et éviter un black-out.
Dans les trois communes
Face au scénario de délestage, les communes doivent élaborer plusieurs mesures afin de garantir la sécurité de la population : « Des points de rassemblement d’urgences (PRU) sont d’ores et déjà établis. Ces coupures d’électricité de quatre heures empêcheront l’utilisation du téléphone », ajoute la syndique de Savigny. Ainsi, pour garantir une communication en cas de besoins avec des services de secours, la population pourra se rendre ou envoyer un proche aux PRU.
Dans le détail, le bâtiment de l’administration communale de Forel fera office de lieu de rendez-vous. A Savigny, la poste remplira ce rôle, tandis que la grande salle de la localité Les Cullayes répondra aux besoins de la population servionnaise. Toutes ces informations se trouvent déjà sur les sites web du trio de communes. Pour assurer la santé des personnes nécessitant de l’électricité pour leur survie, un groupe électrogène mobile a été commandé par les autorités de Savigny.
Toujours en lien avec le délestage, l’approvisionnement en eau potable : « Nous pouvons assurer l’accès à l’eau de notre population de manière gravitationnelle », rassure Olivier Auberson, municipal des eaux à Servion. Du côté de Savigny et Forel, deux jours d’eau potable sont disponibles en cas de délestage. Pour l’élimination des eaux usées, les autorités communales encouragent au fait qu’il ne faudra pas submerger les stations d’épurations (STEP) : « Il sera possible d’utiliser ses toilettes, mais en évitant de tirer l’eau. N’oublions pas que si ce scénario devient réel, ce sont des coupures de quatre heures qui sont prévues, nos excréments peuvent attendre ce laps de temps avant d’être éliminés », commente Jean-Claude Rochat, municipal en charge des eaux à Savigny. A Servion, on envisage d’installer un groupe électrogène afin de garantir une utilisation partielle de la STEP.
Délestages annoncés à l’avance
L’application mobile ALERTSWISS est le portail rassemblant les informations nécessaires en cas de délestage.
Ces derniers seront annoncés entre deux et quatre jours avant leur action dans les diverses régions du pays.
Citoyens sur leur faim
Au vu des questions posées par les spectateurs après la présentation officielle, nombreux sont ceux se sentant grugés par les autorités et les GRD : « On nous demande de participer à
la transition énergétique en installant des panneaux solaires partout, tout ça pour ne pas pouvoir les utiliser lorsque cela est vraiment nécessaire », s’offusque un habitant de Savigny. « Les GRD n’ont pensé qu’à leurs finances plutôt qu’aux besoins de leurs clients, ils auraient quand même pu jouer la carte de l’honnêteté et proposer de vraies solutions d’indépendances électriques », s’exclame un citoyen de Forel.