Faut-il supprimer l’impôt sur la valeur locative ?
Aujourd’hui, presque 40% des Suisses sont propriétaires de leur logement. Ils paient au niveau fédéral et cantonal un impôt sur la valeur locative qui est constamment remis en cause.
Un projet mis en consultation prévoit sa suppression, avec des mesures compensatoires fort discutables.
L’impôt sur la valeur locative a été introduit en 1934 au niveau fédéral au motif que le loyer d’un immeuble ou d’un appartement destiné à l’usage personnel du propriétaire fait partie du revenu imposable parce qu’il représente un montant que le propriétaire devrait dépenser pour louer un objet analogue.
Le raisonnement auquel on fait appel pour justifier cet impôt heurte un principe fondamental du droit fiscal: celui de la réalisation du revenu qui veut que l’on n’impose que les revenus et les bénéfices réalisés. Or la valeur locative n’implique aucun revenu concret. Il nécessite d’avoir d’autres sources de revenus pour le payer.
Face au débat qu’il suscite, la commission de l’économie et des redevances du Conseil des Etats a mis en consultation un avant-projet proposant de le supprimer. Le texte soumis à consultation propose conjointement d’abolir la déductibilité des frais nécessaires à l’entretien des immeubles privés, des frais de remise en état d’immeubles acquis récemment, des primes d’assurances qui les concernent et des frais d’administration par des tiers. Il prévoit aussi de supprimer la déductibilité des investissements destinés à économiser l’énergie et à ménager l’environnement.
On ne pourra donc maintenir qu’au niveau cantonal les déductions pour les investissements destinés à économiser l’énergie, les frais de restauration de monuments historiques et de démolition. La déduction des intérêts passifs serait par ailleurs strictement limitée, voire supprimée, selon les variantes encore discutées.
Assurément, l’abolition de l’impôt sur la valeur locative est souhaitable, mais pas avec les mesures compensatoires prévues. D’une part, la suppression de la déduction des frais d’entretien et de toutes déductibilités des intérêts hypothécaires pourrait péjorer financièrement la situation des propriétaires. D’autre part, elle irait à l’encontre d’une politique qui vise à favoriser les rénovations pour économiser globalement les émissions de CO2.
Il serait aberrant et contraire à tout ce que l’on souhaite aujourd’hui dans le domaine écologique de supprimer la déduction des dépenses visant à économiser l’énergie.
En l’état, après une analyse prudente de cet avant-projet il vaut mieux le rejeter pour attendre un projet plus raisonnable en harmonie avec les défis écologiques qui nous occupent.
Lydia Masmejan, Responsable fiscalité CVCI