Extrait du carnet intime d’un border-collie
Marie | Cette fois c’est décidé, dès qu’une occasion se présentera, je ne vais pas trop y réfléchir, je filerai d’ici, là où l’herbe est plus verte. J’ai beau être un chiot adorable, je ne me sens pas privilégié, soit on me dit souvent trop jeune, comme par exemple l’os du dimanche m’est toujours exclu, soit on me laisse à la merci des enfants de la famille qui veulent s’amuser à longueur de journée en me tirant de mon sommeil, je n’ai pas une minute de répit, eux ils s’en foutent de mes insomnies pendant lesquelles je me vois obligé de compter des moutons avant de tomber dans les bras de Morphée. Ça c’est vraiment un comble, moi chien de berger me voilà condamné à vivre dans une ferme où il y a que des vaches. Et puis ces bambins ont peu d’empathie pour moi, ainsi que leurs parents. On me force à rester dehors par un temps exécrable, ce n’est tout de même pas écrit sur mon front, «chien sibérien», du reste je n’ai rien contre ces chiens polaires chaudement habillés, eux ils sont parés pour vivre précisément en Sibérie, mais moi j’ai beau avoir une couverture dense, elle ne me tient pas chaud, peut-être la faute au manque d’imperméabilisation de ma fourrure! C’est un peu à cause de tout ceci que la semaine passée, je n’ai pas hésité quand j’ai aperçu dans la cour la portière grande ouverte d’une voiture inconnue, ça a été fastoche de sauter en vitesse derrière le siège du conducteur, de m’aplatir comme une crêpe et d’attendre sagement. Arrivé à destination, j’ai été surpris d’être accueilli comme un roi, en fait mon ancien patron était de connivence, il avait lu dans mes pensées! Depuis, je vis comme un pacha, j’ai ma place au salon à la droite du canapé de mon nouveau maître.