Exposition – Illustrateur de livres pour enfants, et plus encore…
L’Espace Arlaud rend hommage à Etienne Delessert, jusqu’au 29 juin

Etienne Delessert (1941-2024) a légué à sa mort son œuvre à l’Etat de Vaud. L’Espace Arlaud en présente un choix très bien pensé. On y retrouve tous les aspects de son travail protéiforme. Il s’est surtout rendu célèbre, dès 1976, par ses magnifiques et poétiques dessins pour enfants, illustrant d’abord les pochettes des chansons d’Henri Dès, puis les volumes consacrés à son héros Yok-Yok, au chapeau orangé en forme de champignon. Il a créé un étonnant bestiaire. Ses représentations de fleurs très colorées sont également admirables. Mais il n’a pas fait que cela. Graphiste hors pair, il a illustré de nombreuses affiches, dont celle de la Fête des vignerons de Vevey en 1999, avec son personnage d’Arlevin conçu par le poète François Debluë, ou encore celle du très touchant film d’Yves Yersin, Les Petites Fugues (1979). Tout ceux qui l’ont vu se rappellent du vieux valet de ferme Pipe découvrant la liberté sur son vélomoteur. Delessert a également collaboré avec Jean Piaget, le grand spécialiste de la psychologie de l’enfant, et avec Eugène Ionesco, l’auteur de Rhinocéros, pour ses contes. Il a imaginé le fameux chat (son animal favori) qui ornait notamment l’affiche publicitaire pour les boutiques Ausoni, dont nombre de nos lecteurs et lectrices se rappellent encore. Il a travaillé pour les journaux les plus prestigieux, tels le Wall Street Journal et le New York Times. Tout cela, on le retrouve à travers les quelque 200 peintures et dessins exposés à Arlaud. Mais on y découvre aussi une face plus sombre de l’artiste, à travers ses grands dessins en noir-blanc, grinçants et inquiétants. Par ailleurs, au sous-sol, une vidéo instructive sur grand écran permet de le voir dans son travail.
Revenons un instant sur sa vie et sa carrière. Etienne Delessert, fils de pasteur, a eu une enfance heureuse à Epalinges, au milieu d’un jardin où il a pu observer plantes et animaux qui ont certainement inspiré plus tard son œuvre. Après son collège et son gymnase, il accomplit un apprentissage de graphiste. Il fait la connaissance de Bertil Galland et Jacques Chessex, qui lui mettent le pied à l’étrier. Après des séjours à Paris et à New York, il revient en Suisse en 1972 et y connaît rapidement le succès, grâce à ses livres pour enfants. Il avait en effet gardé « l’âme enfantine » et son sens du merveilleux. Sa carrière va connaître cependant des heures sombres. L’échec financier de son projet de film long-métrage Supersaxo, inspiré par le livre Match Valais-Judée de l’auteur valaisan Maurice Chappaz, le plonge dans l’amertume. Il décide alors en 1985 de s’exiler aux Etats-Unis, dans le Connectitut, où il va passer les dernières années de sa vie. Il y crée encore plusieurs livres d’images très personnels. Il meurt dans la reconnaissance générale, ayant notamment obtenu en 2023 le Grand Prix suisse du Design.
Visiter la belle, riche et très complète exposition de l’Espace Arlaud, c’est se plonger dans un monde enchanté, mais parfois plus sombre, qui reflète les contradictions intérieures d’un artiste
d’exception. On regrettera juste que, dans cet espace muséal, des travaux n’aient pas été enfin entrepris – surtout l’installation
d’ascenseurs – pour que les personnes à mobilité réduite puissent aussi en profiter !
« Etienne Delessert illuminateur »
Espace Arlaud, place de la Riponne, Lausanne, jusqu’au 29 juin