Exposition – Dessins et estampes du 15e au 19e siècle
Disons-le d’emblée : la double exposition veveysanne attirera surtout les amateurs de ces deux genres artistiques, et celles et ceux qui les pratiquent. Les dessins et estampes ont évidemment un côté plus austère que les huiles, aquarelles ou pastels où éclatent les couleurs. La présentation offre cependant un beau panorama de la production de la Péninsule pendant plusieurs siècles.
La première partie s’intitule Disegno disegni, ce qui signifie « le dessein de faire des dessins ». Ceux-ci étaient surtout des travaux préparatoires en vue de la réalisation de toiles, de sculptures ou d’éléments d’architecture. On trouvera beaucoup de dessins à caractère religieux (Vierge à l’Enfant, Annonciation, Assomption, saints, anges, récits tirés de l’Ancien et du Nouveau Testament), dans la grande tradition catholique de la Contre-Réforme. Les villes italiennes rivalisaient entre elles : Florence, Rome, Venise ou encore Bologne. Ici ou là, la couleur apparaît : ainsi dans Oiseau, provenant du cercle de Giovanni da Udine. En effet, les artistes (parfois anonymes) travaillaient souvent dans des ateliers.
Mais bien des œuvres s’inspirent aussi de la mythologie gréco-romaine, représentée notamment dans la statuaire. Le corps parfait de Vénus nue voisine donc avec la représentation de la Vierge Marie. C’est un autre aspect essentiel de la Renaissance, surtout italienne. Celle-ci attire aussi des artistes étrangers. Parmi les noms connus qui figurent dans l’exposition, relevons ceux de Canaletto (auteur de vues célèbres de Venise) et de Tiepolo. Un dessin tout à fait étonnant retiendra l’attention : Trompe-l’œil. Huit gravures copiées et dessins d’étude empilés les uns sur les autres. Par là même, Pietro Palmieri, un artiste du
18e siècle, prouve son éblouissante maîtrise technique.
A l’étage, la deuxième exposition, intitulée De Raphaël à Piranèse, séduira sans doute davantage le grand public. C’est une sélection de gravures produites en Italie entre le 16e et le 18e siècle, à partir des collections du Cabinet cantonal des estampes, que renferme aussi le Musée Jenisch (plus de 40’000 œuvres de la Renaissance à nos jours !). Il faut savoir que les artistes utilisent alors l’art imprimé pour promouvoir leurs peintures. Raphaël fut l’un des premiers à le comprendre. Car ces gravures vont ensuite être diffusées dans l’Europe entière. Une mention pour la remarquable Pêche miraculeuse, précisément d’après Raffaello Sanzio. Ugo da Carpi, au 16e siècle, y obtient d’étonnants effets de clair-obscur et d’ombres. Au 18e siècle, on apprécie particulièrement la veduta, genre artistique représentant des vues détaillées de villes et de campagnes, où les ruines antiques sont souvent présentes. Claude Gellée, dit Le Lorrain, apporte une touche originale en incluant des scènes de la vie quotidienne au milieu des vestiges de l’Antiquité romaine. Un autre genre en vogue est celui des capricci, des paysages imaginaires, dont le plus grand représentant est Piranèse, avec ses fameux Carceri d’invenzione (Prisons imaginaires), qui pourraient fort bien illustrer un roman de Franz Kafka… Ou encore son admirable Vue de l’arc (de triomphe) de Septime Sévère, qui traduit une fois de plus l’engouement pour l’Antiquité, renouvelé au Siècle des Lumières par les découvertes archéologiques à Pompéi.
Et puisque vous êtes à l’intérieur de Jenisch, ne manquez pas de voir ou revoir la salle consacrée à l’expressionniste Oskar Kokoschka, dont le musée possède la plus grande collection au monde, ainsi que la petite, mais fort belle collection permanente, où l’on retrouvera plusieurs artistes célèbres, comme Hodler, Vallotton et Picasso.
« Disegno disegni » et « De Raphaël à Piranèse », Musée Jenisch, Vevey
Respectivement jusqu’au 14 et au 28 avril 2024