Exposition – Beaucoup de noms célèbres et quelques chefs-d’œuvre
A la Fondation Gianadda, à Martigny, jusqu’au 2 décembre
La présentation de la collection Armand Hammer de Los Angeles est de ces expositions où défauts et qualités se côtoient. Les premiers tiennent à son caractère très éclectique et au fait que le visiteur passe donc d’un peintre à l’autre, sans entrer véritablement dans la création d’un artiste. En revanche, la visite permet à un large public d’appréhender l’histoire de l’art dans ce survol de quatre siècles, du XVIe au XIXe. Un dénominateur commun cependant : la priorité accordée par le collectionneur au portrait et au paysage. On ne boudera donc pas son plaisir !
L’exposition présente un petit panel de peintres étasuniens, dont Gilbert Stuart, qui fut en 1795 le portraitiste officiel de George Washington. Mais ce sont essentiellement les artistes européens qui sont représentés ici. On commence en beauté avec Le Titien et son Portrait d’un homme en armure, où la carnation du visage et les reflets sur la cuirasse sont admirablement rendus. Avec Rembrandt et son portrait d’un gentilhomme des Provinces Unies, on pénètre dans l’intériorité et presque « l’âme » du personnage. De Chardin, une de ces natures mortes qui révèlent la virtuosité hors pair de ce peintre intimiste du XVIIIe siècle, qui réussit à traduire la matérialité des objets qu’il représente (verre contenant du vin, bois ou grès d’une jarre).
On entre dans le XIXe siècle avec une véritable exposition dans l’exposition : un bel ensemble de peintures et surtout de figurines en bronze d’Honoré Daumier. Le célèbre satiriste politique montre seize bustes en miniature, modelés dans la terre, de personnalités appartenant au monde de la bourgeoisie : engoncés dans leur faux-col, ces hommes au visage gras et satisfait relèvent-ils vraiment du portrait, ou de la caricature ?… Puis voici un Monet peu habituel, qui a laissé sa Normandie pour Bordighera, sur les bords de la Méditerranée italienne. Comme de nombreux peintres du Nord de la France, il a été sous l’emprise des lumières et couleurs du Midi. Deux toiles de Vincent Van Gogh nous permettent d’aborder deux faces de l’artiste hollandais : avec Le Semeur et son arrière-fond d’usines, les préoccupations sociales qui ont marqué les débuts de ce fils de pasteur protestant. Et avec l’Hôpital de Saint-Rémy à Arles, où il a été interné, ses angoisses, traduites par les pins et buissons de cyprès, aux formes tourmentées, se dégageant sur un ciel bleu. Moins célèbre, Emile Bernard, l’un des proches de Gauguin à Pont-Avent, annonce dans sa Moisson la modernité du XXe siècle, par la synthétisation des formes, presque réduites à leurs lignes géométriques.
A côté de ces quelques œuvres majeures, une majorité d’autres que l’on qualifiera de secondaires, comme si le collectionneur s’était attaché surtout aux grands noms de la peinture mais, nonobstant ses moyens financiers pourtant importants, avait dû se rabattre souvent sur des œuvres de second plan, encore accessibles sur le marché de l’art. Ce qui explique peut-être la légère déception des visiteurs de cette exposition, perceptible chez plusieurs personnes autour de nous.
Un mot enfin sur la personnalité hors norme d’Armand Hammer. Médecin mais surtout homme d’affaires et mécène, il passa neuf ans à Moscou dans les années 1920, vendant des médicaments contre le typhus qui sévissait dans l’Oural et apportant une aide médicale à la jeune République des Soviets. Avant de revenir à ses entreprises lucratives aux Etats-Unis où il a créé à Los Angeles un musée portant son nom.
« De Rembrandt à Van Gogh.
Collection Armand Hammer »
Fondation Gianadda, à Martigny,
jusqu’au 2 décembre.